L'analyse et la gestion du risque phytosanitaire : Quels sont les connaissances scientifiques et les outils indispensables ?

Les méthodes de diagnostic de nouvelle génération

Face aux enjeux majeurs liés au diagnostic précoce et rapide dans le contrôle des organismes nuisibles, des efforts importants sont consacrés aux développements méthodologiques visant à rendre les outils disponibles encore plus simples d'utilisation, plus sensibles, plus portatifs et moins coûteux.

Les programmes de recherche Q-detect, site web : http://www.qdetect.org/0_home/index.php] et Q-bol, site web : http://www.qbol.org/en/qbol.htm] ont ainsi pour objectif le développement de méthodes de diagnostic innovantes ciblant les organismes nuisibles et notamment ceux de quarantaine.

Pour en savoir plus sur le programme Q-detect et les enjeux du diagnostic, cliquer pour accéder à ce document

Rendre portatif pour diagnostiquer sur place

De nombreuses avancées méthodologiques sont en cours pour rendre les méthodes de diagnostic de plus en plus portatives et permettre ainsi la réalisation d'analyses sur le site même de production ou lors du contrôle de lots de plants ou de semences. Ces efforts concernent surtout le diagnostic moléculaire, avec la mise au point de procédures d'extraction très simplifiées et la mise au point d'appareils portatifs légers et facilement transportables, adaptés aux techniques de PCR, PCR en temps réel et LAMP.

Exemple

Ces développements ont concerné par exemple la détection sur site de l'agent pathogène responsable du dépérissement de différentes espèces forestières et ornementales (Phytophtora ramorum) ou encore de la bactérie responsable de la maladie du feu bactérien (Erwinia amylovora). En cas de détection positive, les plantes atteintes doivent être immédiatement détruites. Un diagnostic rapide sur place facilite la gestion de ces deux maladies.

Multiplexer pour une détection simultanée d'une cohorte de pathogènes et d'organismes nuisibles à partir d'une même plante

Un des enjeux des contrôles visant à éviter les introductions d'organismes nuisibles concerne la capacité à détecter simultanément plusieurs agents pathogènes et autres organismes nuisibles dans un même lot de plantes amenant un gain de temps et de coût.

La plupart des techniques « classiques » de diagnostic moléculaire (PCR et PCR en temps réel essentiellement) ne permet généralement pas de multiplexer au-delà de 4-6 cibles différentes.

  • Les technologies Luminex ont révolutionné les possibilités de multiplexage. Elles sont basées sur l'utilisation de microsphères magnétiques en suspension (facilitant les rinçages) marquées par des fluorochromes et sur lesquelles il est possible de coupler des anticorps (test immunologique, Luminex X-map) ou des séquences oligo-nucléotidiques (Luminex MagPlex-TAG). Les deux technologies (immunologique et moléculaire) permettent la détection simultanée de nombreux pathogènes à la fois (théoriquement plusieurs centaines) avec des temps de réaction très raccourcis. La sensibilité obtenue avec la technologie MagPlex-TAG est équivalente à celle obtenue en PCR en temps réel. Vous pouvez cliquer ici pour en savoir plus.

Exemple

La technologie Luminex MagPlex-Tag a été utilisée récemment pour détecter et typer simultanément les virus du genre bégomovirus (identification possible au niveau de la souche, de l‘espèce et du genre en fonction des séquences oligo-nucléotidiques choisies et fixées aux billes) ainsi que les aleurodes vectrices de ces virus (Bemisia tabacci) et ses différents biotypes ( Van Brunschot et al., 2014[1]).

  • Les nouvelles méthodes de séquençage ont permis un bond en avant technologique dans le diagnostic à fort potentiel de multiplexage. En effet, ces technologies puissantes permettent l'acquisition de centaines de milliers de petites séquences correspondant à un grand nombre d'organismes présents dans un même échantillon. De plus, contrairement aux autres méthodes, le séquençage à haut débit permet de détecter des agents pathogènes non encore identifiés et donc un diagnostic sans a priori. L'utilisation en routine de ces technologies à des fins de diagnostic nécessite le développement d'outils bio-informatiques permettant de trier et d'identifier rapidement les séquences obtenues.

Une plateforme de diagnostic basée sur la technologie illumina a ainsi été développée par l'INRA de Bordeaux pour la détection sans a priori des virus à ARN de plantes (90% des virus phytopathogènes) [lien internet http://www.inra.fr/Entreprises-Monde-agricole/Offres-de-collaboration/Toutes-les-actualites/virus-ARN-des-plantes].

Détecter sans prélever d'échantillons

Lorsque la quantité de matériel est très limitée ou difficile à échantillonner, il peut être utile de recourir à des techniques non destructrices. Deux sortes d'approches sont actuellement développées.

La première est basée sur le fait que les plantes infectées peuvent émettre des composés volatiles détectables à l'aide de « nez électroniques » ou encore grâce au flair canin.

La seconde vise à détecter des changements physiologiques (modification de la photosynthèse, teneur en eau, température), de couleur et même de texture de la plante liés à une infection par un pathogène grâce à différentes techniques d'imagerie à distance, comme l'imagerie hyperspectrale (spectre visible et proche infrarouge, fluorescence). Des détecteurs embarqués mobiles ou aériens (avions, drones) pourraient permettre de détecter rapidement des foyers de maladie sur de grandes surfaces. L'enjeu est d'obtenir une spécificité suffisamment importante pour pouvoir différencier la réponse de la plante hôte liée à une infection par un pathogène de celle liée à tout autre type de stress (stress hydrique, en nutriments...).

Exemple

Des expérimentations concluantes ont été réalisées dans le cadre du programme Q-detect pour détecter deux bactéries de quarantaine de la pomme de terre (Ralstonia solanacearum et Clavibacter michiganensis subsp. sepedonicus) responsables de la pourriture brune et de la pourriture annulaire. Ces deux bactéries ont pu être détectées dans un hangar de stockage de tubercules à l'aide d'un « nez électronique ». De même, des expérimentations sont en cours pour évaluer les potentialités de détection de maladies bactériennes des Citrus comme le chancre bactérien à l'aide chiens entrainés à détecter les volatiles émis par les plantes infectées par cette bactérie. Ces méthodologies, si elles s'avèrent suffisamment sensibles et spécifiques, pourraient être particulièrement utiles pour contrôler des lots de plantes à l'import ou en conditions de stockage ( Biondi et al. 2014[2]).

Exemple

De nombreuses expérimentations sont en cours visant à évaluer la sensibilité et la spécificité des technologies d'imagerie à distance pour détecter certaines maladies. Par exemple, la spectroscopie en proche et moyen infra-rouge et l'imagerie thermique semblent prometteuses pour détecter à distance et de façon non invasive de graves maladies des agrumes (Citrus canker et Citrus greening). lien vers photo 1[4] et [3]photo 2[3]

  1. Van Brunschot

    Van Brunschot, S.L., Bergervoet, J.H.W., Pagendam, D.E., de Weerdt, M., Geering, A.D.W., Drenth, A., van der Vlugt, R.A.A., 2014. A bead-based suspension array for the multiplexed detection of begomoviruses and their whitefly vectors. Journal of Virological Methods 198, 86-94.

  2. Biondi, E

    Biondi, E., Blasioli, S., Galeone, A., Spinelli, F., Cellini, A., Lucchese, C., Braschi, I., 2014. Detection of potato brown rot and ring rot by electronic nose: From laboratory to real scale. Talanta 129, 422-430.

  3. Images thermiques (en pseudo-couleurs) d'un arbre sain (à gauche) et d'un arbre malade (à droite). La prise de vue inclue la couronne de l'arbre ainsi qu'une petite partie de sol. L'arbre infecté apparait en couleur plus claires, du fait d'une temperature plus élevée.

    Photo issue de Sankaran et al 2013. Sensors (Basel, Switzerland) [http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3649375/] Creative Commons Attribution license

  4. photo 1
    Véhicule équipé de caméras thermiques et multi-bandes (6 longueurs d'onde de 440–900 nm) pour la détection en verger des arbres malades du « geening des Citrus ».

    Photo issue de Sankaran et al 2013. Sensors (Basel, Switzerland) [http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3649375/] Creative Commons Attribution license

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