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Crise de l’élevage, allo l’Europe ?

La fin du mois de juillet a été marquée par de nombreuses actions de la part des éleveurs français : routes bloquées, supermarchés visités, produits étrangers stoppés,…Les producteurs de viande comme les producteurs de lait se plaignent de la baisse des cours et de la hausse des charges et dénoncent en vrac la concurrence déloyale des autres Etats-membres de l’UE, la pression des transformateurs et de la grande distribution qui tirent les prix vers le bas, et les risques à terme d’un afflux de viande bovine américaine sur le sol européen si les accords de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe se concrétisent. Les tensions sont palpables même au sein des coopératives, pourtant censées défendre les intérêts de leurs adhérents. Les syndicats exigent de pouvoir négocier des prix plus élevés et qui leur assurent une marge positive. Ainsi, dans le secteur du lait, ils demandent que le prix passe au-dessus de 30 centimes du litre pour ne pas perdre d’argent sur chaque litre produit.

Depuis plusieurs années, la viande bovine fait face à une diminution de la consommation et à une standardisation de la filière (peu de valorisation de la diversité de la production bovine avec par exemple l’augmentation de la consommation de steaks hachés de qualité indifférenciée). Cette filière est de plus complexe et fait face à des problèmes de structures : multiplicité des acteurs, absence de contrats sur des prix qui sont négociés à la semaine, pression sur les prix par la grande distribution. Les exploitations sont également fragilisées par un endettement structurel fort, la diminution des exportations (notamment en direction de l’Espagne et de l’Italie) et la hausse du prix de l’alimentation animale depuis 2007 : les éleveurs dénoncent des prix de vente inférieurs aux coûts de production (en savoir plus sur la filière viande bovine). A ceci s’ajoute une situation de forte sécheresse estivale en 2015 qui diminue la disponibilité en pâturages et fourrage et augmente la dépendance des éleveurs aux aliments achetés.

Comme le souligne le rapport écrit par Y.Geffroy et M.Reffay : « Il apparait clairement que le revenu courant/UTH avant impôts des producteurs spécialisées « viande bovine » est le plus bas de toutes les productions agricoles en 2014, se disputant du reste chaque année ce classement avec le secteur « ovins viande » (rapport CGAAER, février 2015).

 

Le 17 juin 2015, pour tenter de remédier à cette situation, un accord interprofessionnel a été trouvé. « Stéphane Le Foll a appelé l’ensemble des acteurs économiques de la filière et en particulier les abatteurs et les distributeurs à faire preuve de responsabilité en permettant que les prix de vente de la viande bovine (prix sur pied au producteur) conduisent à une juste rémunération des éleveurs » (lire le communiqué de presse du Ministère de l’agriculture). Les entreprises d’abattage-découpe et les transformateurs ont ainsi accepté de contribuer à une remontée progressive des prix d’achat des animaux, et les distributeurs de prendre en compte la répercussion de la hausse des cours dans leurs prix d’achat de la viande et des produits transformés à base de viande.

Pour suivre cette application du relèvement des prix dans la filière, un rapport d’étape a été commandité par le Ministère de l’agriculture. Ce 22 juillet, il concluait sur le relèvement variable pour la viande bovine selon les situations et indiquait qu’ « en viande bovine, la cotation moyenne a augmenté de 10 centimes d’euros/kg alors que les engagements pris devaient conduire à une hausse des cours de 20 centimes sur le dernier mois ».

La filière lait quand à elle, fait face depuis avril 2015 à la fin des quotas laitiers, fin commune à tous les pays membres de l’UE. Les producteurs européens (français, irlandais ou encore allemands) ont maintenu voire augmenté leur production laitière, souhaitant répondre à la demande à venir des pays émergents (comme la Chine) qui pour l’instant ne se fait pas encore sentir de manière flagrante. Soumis à une demande stagnante et donc à une diminution des prix, les opérateurs du lait ont convenu d’une augmentation du prix au litre jusqu’à décembre 2015 , une hausse du prix du lait qui n’aura qu’un impact limité d’après les syndicats agricoles (pour en savoir plus sur la fin des quotas laitiers)

 

Ne pouvant agir directement sur les prix (au risque de condamnation pour l’organisation d’un fonctionnement anticoncurrentiel du marché), le Ministre de l’agriculture français a lancé un plan d’urgence de 600 millions d’euros à la filière élevage. Ce dispositif compte 24 mesures, il vise entre autres à (1) désendetter les éleveurs (par exemple avec le report des cotisations sociales) ; (2) à répondre aux conséquences de la sécheresse (elle peut impliquer une augmentation du nombre d’animaux abattus et donc à un engorgement de l’offre en viande bovine) et (3) à promouvoir «la viande bovine française » et l’approvisionnement local. De façon assez surprenante, le rôle de l’Europe n’est mentionné que deux fois sur les 24 mesures que contient le plan : mesure 20 qui prévoit le financement des projets de méthanisation par l’Europe, et mesure 24 qui prévoit d’engager des discussions auprès des instances européennes pour le déclassement du loup comme espèce strictement protégée afin d’aider l’élevage ovin. Ce plan d’urgence n’a pas fait l’unanimité : « donne peu de perspectives », « reports d’échéances », « mesures classiques », les critiques sont nombreuses  (Dossier FNSEA, Communiqué de presse de la Confédération paysanne).

Le Conseil des ministres européens de l’agriculture se réunira à Bruxelles le 7 septembre prochain pour faire le point sur la crise de l’élevage et en particulier du lait. La France propose à l’ordre du jour : que les mesures d’intervention publique et de stockage privé des produits laitiers industriels soient prolongées au-delà du 30 septembre 2015, date prévue initialement pour la fin de ce dispositif ; que le prix européen d’intervention sur le lait soit relevé. Ce mécanisme de soutien européen, activé en cas d’effondrement des cours, ne se déclenche actuellement que lorsque le prix tombe à 22 centimes le litre ; que des outils de régulation à l’échelle européenne soient mis en place afin d’être en capacité collective d’atténuer les conséquences de la suppression des quotas laitiers et de prévenir les crises de marché dans un environnement mondialisé. Par contre, la question des distorsions de concurrence au sein de l’UE ne sera pas abordée le 7 septembre car « ce sont des sujets qui dépassent les compétences directes du conseil agricole », a ajouté le Ministre.

 

Pour aller plus loin

Dossier spécial de l’Institut de l’élevage 

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