Aller au contenu
Accueil » Dernières actus » La PAC sans le Royaume-Uni : une tempête dans un verre d’eau ?

La PAC sans le Royaume-Uni : une tempête dans un verre d’eau ?

Le 26 juin dernier, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE a tranché en faveur du Brexit. Pour les agriculteurs britanniques, cela signifie au plus tard la sortie de la PAC en 2020, à la fin de la programmation financière déjà entérinée pour la période 2014-2020. Mais il est probable qu’ils doivent renoncer à toucher les aides européennes dès l’activation de l’Article 50 ou dans l’année qui suivra.

 

Les conséquences du Brexit pour la PAC, pour les agriculteurs européens et pour les agriculteurs britanniques, commencent cependant à soulever déjà beaucoup de questions.

 

Le think tank Farm Europe a mené une étude sur les conséquences financières pour la PAC d’un départ du Royaume-Uni (lire « The CAP can cope with a brexit »). Le budget sera-t-il largement amputé ? Le budget de la PAC est alimenté par les contributions de l’ensemble des Etats-membres de l’UE et constitue environ 35% du budget total de l’Union européenne, négocié tous les 7 ans dans ce qu’on appelle le cadre financier pluriannuel. Pour 2014, le Royaume-Uni participait au budget européen à hauteur de 14 milliards d’euros. Cependant et cela depuis le célèbre « I want my money back » de Margaret Thatcher, le Royaume-Uni bénéficie d’un rabais qui en 2014 s’élevait à près de 6 milliards d’euros. Il touchait en retour 4,3 milliards d’euros au titre de la PAC. Le départ du Royaume-Uni n’entrainera donc au final qu’une baisse de 5% du budget net de la PAC. Rien qui ne bouleverse véritablement les équilibres financiers pour les 27 Etats membres.

 

En revanche, il ne faut pas oublier que les aides directes du 1er pilier représentent aujourd’hui 56% du revenu des agriculteurs britanniques. Même en tenant compte de l’évolution probable à la baisse  du prix du foncier et des intrants (voir l’actualité de CAPeye  « No milk and no cereals in my english breakfast : les conséquences sur l’agriculture britannique » ), ils ne pourront pas s’en sortir sans aides. Le Royaume-Uni devra donc dédier une partie de son budget à soutenir son secteur agricole, et à faire face à une transition difficile, surtout s’il sort du marché commun. Car les produits agricoles et agro-alimentaires britanniques, qui s’exportent à 75% vers le reste de l’UE (notamment l’Irlande et la France), risquent de voir leurs débouchés se rétrécir (pour plus de détails voir le Farmer Scientist Network qui établit 5 scénarii possibles allant de l’union douanière conservée entre UK et UE malgré le Brexit, à des échanges commerciaux limités au simple cadre de l’OMC). Peut-être que libérés des « contraintes » européennes, ils partiront à la conquête de marchés tiers mais cette partie-là est loin d’être gagnée.

 

Quelle politique agricole le Royaume-Uni mettra-t-il en place ? Compte-tenu des positions qu’il a défendues à Bruxelles pour la PAC, on peut supposer qu’il voudra renforcer les aides à l’agro-environnement. Mais là aussi, il faudra tenir compte des revendications et des besoins très différents des agriculteurs anglais, écossais et gallois.

 

Mais le départ du Royaume-Uni, c’est aussi une nouvelle configuration des rapports de force. Les 27 ne négocieront plus tout à fait de la même manière. Les Britanniques défendaient mordicus une position libérale et non interventionniste sur les marchés agricoles. Sans eux, les autres Etats membres s’autoriseront peut-être plus de marges de manœuvre et reconsidéreront l’opportunité de se doter d’outils de régulation plus puissants et moins soumis à la sacro-sainte règle de concurrence à laquelle tenait tellement Londres. Par ailleurs, le Royaume-Uni a aussi beaucoup défendu une PAC qui tienne compte de la contribution des agriculteurs au maintien des zones rurales, à l’entretien des paysages, à la biodiversité. Il faut espérer que les 27 maintiendront et renforceront l’orientation vers une PAC plus verte.

 

 

A lire :

Brexit : la politique agricole européenne doit se ressaisir (Farm Europe)

 

Implications of a UK exit from the EU for british agriculture (LEI Wagenigen)

 

The potential policy and environmental consequences for the UK of a departure from the European Union

 

Brexit : l’Europe ne va plus de soi ! (FNSEA)

 

Brexit ‘may not be beneficial for uk farmers’ (NFU)

 

Sophie Thoyer et Pauline Lecole

Partagez cet article :
Étiquettes:

Nos partenaires

Institut agro Montpellier INRAE logo ceem agropolis