Processus écologiques

Décomposition de la Matière Organique

Les détritus animaux et végétaux qui arrivent au sol, qu'on appelle « matières organiques fraîches », subissent un ensemble de transformations du fait de l'activité biologique et de l'environnement physique. Ces transformations sont différentes suivant l'endroit où se trouvent les détritus. En effet, le microclimat et les organismes (micro-organismes, faune) à l'origine de ces transformations sont très différents pour une litière végétale située à la surface du sol, pour des exsudats émis dans la rhizosphère, ou pour des résidus enfouis à 30 cm de profondeur, par exemple.

On peut citer les processus suivants qui participent à la décomposition :

  • La lixiviation

  • La fragmentation

  • L'incorporation

  • Le catabolisme enzymatique

  • La stabilisation

la lixiviation

Les flux d'eau qui traversent les litières et le sol peuvent entraîner avec eux des sucres solubles : on parle alors de lixiviation de carbone organique dissous.

La fragmentation

Les détritus, qui peuvent être initialement de grande taille, sont fragmentés progressivement par des effets mécaniques (piétinement par exemple) et par l'action de différents organismes de la faune du sol. Ces organismes se nourrissent en ingérant et en assimilant partiellement des fragments de matière organique, qu'ils découpent avec leurs pièces buccales et/ou dans leur tube digestif. Cette activité saprophage a généralement aussi pour effet de déplacer la matière organique dans le profil de sol et donc de l'incorporer dans le sol, à cause des déplacements des animaux pendant le transit digestif. On peut ainsi retrouver des boulettes fécales de différents animaux, très riches en fragments de matière organique de différente taille, à différents niveaux dans le sol.

On parle d' « ingénieurs des litières » pour qualifier les organismes qui réalisent cette fragmentation et redistribution dans les horizons de litières.

On appelle ces matières organiques fragmentées les « matières organiques particulaires ». Elles ont encore une structure similaire aux matières organiques fraîches d'origine (on peut encore y reconnaître par exemple au microscope les parois cellulaires), mais elles ont une plus grande surface développée par unité de masse que les matières organiques fraîches de départ.

dejections des vers de terre, illustration de la fragmentation
Litière de feuilles de platanes, nord de la France, traces du travail des vers de terreInformationsInformations[1]

L'incorporation

Certains organismes de la macrofaune qu'on nomme « ingénieurs du sol », notamment les vers de terre anéciques, les termites et les fourmis, ont un impact majeur sur l'incorporation de matières organiques particulaires issus de la surface dans les premiers horizons du sol.

vers de terre anécique sur une mousse
Anécique - Aporrectodéa giardi - Atlas (DC)

Le catabolisme enzymatique

Les matières organiques particulaires (MOP) sont également la source d'énergie pour les microorganismes saprotrophes du sol. Ces microorganismes : bactéries, champignons, archées, se trouvent dans le sol sous forme de filaments, colonies isolées ou biofilms à la surface des matières en décomposition.

Ils produisent des enzymes extracellulaires capables de lyser certaines liaisons chimiques des MOP, et donc d'en détacher des sucres solubles.

Certaines de ces molécules pourront diffuser jusqu'à un microorganisme qui pourra alors les absorber et en tirer l'énergie nécessaire à son métabolisme, en rejetant une partie du C sous forme de CO2. Les microorganismes, ainsi que la faune, peuvent également synthétiser et émettre dans le sol différents types de molécules organiques : polysaccharides, glycoprotéines...

Ces composés, qu'on ne nomme alors plus MOP (car ils ne portent plus aucune ressemblance aux détritus d'origine) jouent un rôle important dans la structuration du sol, et sont également des substrats potentiels pour les microorganismes.

Différents microorganismes sont capables de produire différentes enzymes, et donc de dégrader différents types de matières organiques.

On appelle tous ces microorganismes les « décomposeurs ».

La libération de molécules inorganiques (CO2, mais aussi différents ions nutritifs comme l'ammonium, les phosphates...) par l'action des microorganismes et de la faune sur les matières organiques est appelée « minéralisation » : c'est un processus majeur dans le cycle du carbone, mais aussi des nutriments.

La stabilisation

Aux différentes étapes de la décomposition, les matières organiques peuvent être stabilisées, c'est-à-dire que leur minéralisation peut être freinée. Certaines molécules s'adsorbent sur les minéraux du sol (notamment ceux de la fraction fine argileuse), et une fois adsorbées elles sont moins sensibles à la dégradation enzymatique. On parle alors de stabilisation physico-chimique de la matière organique.

D'autre part, les MOP et les composés d'origine microbienne peuvent être piégés à l'intérieur d'agrégats par des gangues de particules minérales : on parle alors de stabilisation physique ou de stabilisation par la structure du sol. Ces matières organiques piégées peuvent se retrouver dans des conditions peu propices à la minéralisation, pauvres en oxygène par exemple, et surtout elles peuvent être inaccessibles aux microorganismes et aux enzymes et donc protégées de la décomposition. Tant que les agrégats protecteurs persistent, ces matières organiques piégées ne seront pas minéralisées et resteront dans le sol : elles ont donc un temps de résidence plus important que les matières organiques libres.

agrégats de MOP au microscope
photo Chenu et Stotzky 2002

En somme, la dégradation microbienne de la matière organique fraîche produit des composés organiques d'origine microbienne, qui favorisent la création d'agrégats stables dans lesquels des matières organiques sont piégées ; et la stabilité de ces agrégats protège de la minéralisation ces matières organiques piégées.

ComplémentConférence de Claire Chénu la stabilisation des matières organiques dans les sols lors d'un webinaire AFES

Fondamental

La vitesse de la dégradation enzymatique de la matière organique, mais aussi l'importance des phénomènes de stabilisation, sont déterminées par un ensemble de facteurs biotiques et abiotiques. De ce fait, les flux de CO2 et de nutriments minéralisés sont très variables. Pour pouvoir estimer la quantité de nutriments minéralisés dans le sol à chaque instant, et le flux de gaz à effet de serre produit, il faut comprendre comment les processus sont régulés par ces facteurs .

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Auteur : Claire Marsden

Médiatisation : Emilie Alaux, Sarah Clerquin

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