Le processus de développement du semis-direct à Uruara est très différent de ceux observables en France.
Des enjeux différents
En France, l'émergence de l'agriculture de conservation répond à des contraintes économiques (coûts de production élevés) et écologiques (érosion). Le modèle traditionnel repose sur le labour mécanisé intensif coûteux en temps et en combustible. Le « non-labour » et l'utilisation de plantes de couvertures s'inscrivent donc dans une démarche de diminution de ces coûts.
A Uruara, par contre, il ne s'agit pas d'abandonner le labour puisqu'ils n'y ont pas recours. L'enjeu de l'innovation repose ici sur l'arrêt des pratiques d'abattis-brûlis[2] et l'intensification des systèmes de culture. |
Des intérêts sociétaux divergents
Ces innovations diffèrent aussi par la manière dont elles ont été problématisées. En effet, les registres utilisés reflètent les intérêts divergents de ces deux sociétés.
En France, les agriculteurs sont montrés du doigt en raison de l'impact environnemental de leurs activités et de leur implication dans un modèle productiviste. L'agriculture de conservation s'affirme comme une rupture avec ce modèle. Pour les agriculteurs, c'est un moyen de redonner du sens à leur métier et de revaloriser leur image vis-à-vis de la société. C'est l'objet « nature » qui est mis en avant.
A Uruará, l'enjeu identitaire de l'innovation est presque l'inverse du cas français. Pour les petits agriculteurs qui produisent « comme au temps des cavernes »
, l'objectif est d'atteindre la modernité. Ce n'est donc pas la nature, mais la technique qui est mise en avant : herbicides, semences améliorées,... Au niveau local, on n'assiste pas à une opposition entre deux visions de l'innovation puisque tous les acteurs s'inscrivent dans une démarche productiviste et moderniste.
Remarque :
L'innovation en agriculture s'inscrit donc au cœur de débats sur la société, lesquels ont une influence sur le sens donné à l'innovation.
Auteur : Gouthier Axelle
Source : Processus et réseaux d'innovation autour du semis direct dans l'agriculture familiale. Le cas de la « Roça Floagri » à Uruará sur la route Transamazonienne (Pará, Brésil). Villemaine Robin
Superviseurs :Brives Hélène, De Tourdonnet Stéphane, Clerquin Sarah