L'analyse et la gestion du risque phytosanitaire : Quels sont les connaissances scientifiques et les outils indispensables ?

Conclusion

Dans le cadre de ce grain, nous avons montré quelles étaient les connaissances, les disciplines scientifiques, les méthodes et les acteurs mobilisés pour définir les procédures visant à prévenir et gérer l'introduction et la dissémination d'organismes nuisibles invasifs.

Face à la difficulté à enrayer ou à éradiquer un organisme nuisible invasif et face aux impacts environnementaux et économiques induits, la prévention reste un élément clé de toute stratégie de contrôle. Une prévention efficace repose sur la capacité des états à définir et mettre en place des procédures et des normes adaptées au risque phytosanitaire, environnemental et économique.

La qualité sanitaire des plants et des semences devrait être encore améliorée ces prochaines années grâce à une meilleure connaissance de la cohorte de pathogènes et d'organismes nuisibles associés aux différentes espèces de plantes. L'accès facilité au séquençage haut débit permet en effet aujourd'hui une détection sans a priori d'un très grand nombre d'organismes (virus, viroïdes, bactéries, champignons) potentiellement pathogènes. L'enjeu des années à venir sera de faire le tri dans l'information obtenue et d'identifier les organismes réellement capables d'impacter négativement les cultures et les milieux naturels dans leur zone de répartition actuelle tout comme dans les zones dans lesquelles ils pourraient être introduits.

L'évolution des techniques de détection, de plus en plus sensibles, spécifiques, rapides et non destructives devraient aussi encore améliorer notre capacité à intercepter les organismes invasifs avant leur introduction. Cependant, la multiplicité des voies d'entrée (commerciales, touristiques, naturelles) ne permettra jamais une interception exhaustive des organismes nuisibles. Au-delà des efforts continus d'information et de pédagogie auprès des professionnels et du public, les efforts devront porter sur la mise en place ou l'intensification de réseaux d'épidémio-surveillance. En effet, la détection précoce des organismes nuisibles sur le territoire où ils viennent d'être introduits est un gage de réussite pour leur éradication future.

Dans ces dispositifs, la modélisation joue un rôle primordial et elle est à présent omniprésente à toutes les étapes de prévision et de gestion des risques phytosanitaires. En effet, nous avons vu comment la modélisation permet d'identifier les zones à risque d'installation et de dissémination des organismes nuisibles, de concevoir des protocoles optimisés de surveillance (y compris pour la détection précoce) et de lutte en intégrant les connaissances sur l'organisme nuisible, la complexité des habitats et des facteurs climatiques, les outils de détection/ de capture disponibles ainsi que différentes stratégies économiques. Les sorties de ces modèles constituent des éléments indispensables pour les experts de l'analyse du risque, les gestionnaires et les politiques amenés à prendre des décisions concrètes de gestion avec un budget limité.

A l'avenir, les développements méthodologiques devraient permettre d'améliorer encore plus la précision des estimations dans différentes configurations biologiques et écologiques, de mieux gérer l'incertitude dans les connaissances et les données et d'intégrer encore plus souvent la stochasticité[1] existante dans les processus d'invasion. Des modèles pathogènes-centrés devront coexister avec des modèles plus génériques afin de pouvoir les appliquer à la gestion d'organismes nuisibles mal connus. Les études sur les traits d'histoire de vie des organismes devront être poursuivies pour tenter d'identifier des prédicteurs génériques de la capacité invasive et mieux comprendre comment ces traits peuvent évoluer au cours des processus d'invasion.

En conclusion, la prévention et la gestion des risques invasifs reposent sur une collaboration intense entre de nombreux professionnels d'horizons très différents (scientifiques, experts et gestionnaires du risque, économistes, sociologues) et la société civile.

  1. Stochasticité

    Qui a trait à un processus stochastique, c'est à dire aléatoire.

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