Des expériences d'agriculteurs et des travaux de recherche et de développement ont mis en évidence le rôle clé que jouent les plantes de couverture pour utiliser les régulations biologiques dans les systèmes sans labour (Thomas, 2005 ; Médiène et al., 2011 ; Scopel et al., 2012). Ces plantes de couverture peuvent être cultivées en interculture ou en association avec les cultures commerciales pendant une partie ou la totalité du cycle (Carof, 2006 ; de Tourdonnet, 2008b ; Shili-Touzi, 2009 ; Balde, 2011 ; Amossé, 2013). Elles ne sont généralement pas récoltées (sauf pour fournir du fourrage ou de la biomasse énergie) mais cultivées pour fournir différents services : protection du sol, production de biomasse permettant d'étouffer les adventices et d'accroître la teneur en matière organique et l'activité biologique, création de porosité par les racines, fixation symbiotique d'azote, recyclage des éléments minéraux, maintien d'un biotope favorable aux prédateurs des bio-agresseurs etc. Le choix de l'espèce, ou du mélange d'espèces, et la conduite technique dépendent de l'offre en semences, du contexte pédoclimatique, du système de culture et des services attendus (Denis, 2009 ; Thomas & Archambeaud, 2012).
L'usage de plantes de couverture apparaît donc comme une des solutions possibles à certaines impasses du non labour. Moins on travaille le sol, plus les moyens biologiques sont nécessaires et disponibles : la biomasse de lombrics augmente, les carabes apparaissent, la période pendant laquelle on peut faire pousser une plante de couverture s'accroît... Par ailleurs, des synthèses bibliographiques ont montré que les impacts environnementaux positifs des TSL (biodiversité, matière organique, séquestration C, érosion...) sont beaucoup plus dus aux couverts permanents induits par ces système qu'à la réduction du travail du sol en elle-même (Holland, 2004 ; de Tourdonnet et al., 2006 ; Labreuche et al., 2006). Ce qui compte pour développer des sols performants est de produire et recycler le maximum de biomasse végétale diversifiée (Scopel et al., 2012 ; Thomas & Archambeaud, 2012).
Toutefois, l'usage des processus écologiques en AC se heurte à plusieurs difficultés majeures :
le manque de connaissances sur ces processus et leurs interactions en système non labouré,
la sensibilité de ces processus au contexte dans lequel ils se déroulent (biotope, biocénose) qui pose le problème de la généricité des résultats obtenus, de la nécessaire construction de références locales,
la nécessité pour l'opérateur, de revoir les méthodes d'observation et les objets observés pour pouvoir évaluer les fonctionnalités issues de ces processus et agir en conséquence : comment évaluer la création de porosité par les lombriciens ? Comment choisir les plantes de couverture et évaluer les services rendus ?
Auteur : Stéphane de Tourdonnet
Sources :
de Tourdonnet, S., Brives, H., Denis, M., Omon, B., and Thomas, F. (2014). Accompagner le changement en agriculture : du non labour à l'agriculture de conservation. Agriculture, Environnement & Sociétés 3 (2), 19-28.