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Les plantes de couverture

Intérêts

Intérêts agronomiques

Fertilité et caractéristiques du sol

Bien que le kikuyu s'installe lentement, et soit une plante exigeante sur le plan de la fertilité, il joue un rôle important dans la restauration de la fertilité des sols grâce à leur réactivation biologique. Ses racines colonisent progressivement le terrain, atteignent environ 20 cm de profondeur après un an en sol ferrallitique compacté, et descendent ensuite jusqu'à plus de 80cm. Les caractéristiques physiques et hydriques des sols sont alors totalement modifiées en particulier la porosité, la stabilité structurale des agrégats, la conductivité hydraulique et la rétention en eau sont sensiblement augmentées.

La création d'un milieu plus aéré stimule l'activité microbienne induisant un recyclage rapide des éléments minéraux et de la matière organique. La couverture de kikuyu permet ainsi une restauration de la fertilité chimique. Elle améliore le stock organique (C, N), le complexe absorbant (C. E. C. ), les bases échangeables (Ca, Mg, K) et limite l'acidité du sol. Seule la teneur en phosphore assimilable peut être réduite lors de l'implantation du kikuyu par rapport au sol nu (absorption et stockage du phosphore dans les tissus du kikuyu).

Contrôle des adventices

Un intérêt majeur du kikuyu est sa forte capacité à maîtriser les adventices. D'une part, les adventices ont beaucoup de difficultés à s'implanter dans le tapis végétal dense qu'il crée. D'autre part, le kikuyu est fortement allélopathique. Ainsi, il contrôle totalement des adventices majeures : des Cypéracées comme Cyperus rotundus (« Karepoka» sur les hautes terres), des Composées comme Ageratum conyzoides («Hanitrinipatsaka») ou Bidens pilosa («Anatsinahy ») ou encore des Oxalidacées, comme Oxalis latifolia («Kadiadiam-borona»).

Activité biologique et contrôle des bioagresseurs

Kikuyu un an après installation. Photo :O.Husson

L'évolution des micro-organismes du sol liée à la présence du kikuyu a un effet marqué sur l'état sanitaire des cultures. Les symptômes des maladies d'origine tellurique, dénommées parfois «maladies de la terre» par les agriculteurs, disparaissent ou se voient fortement réduits. Le flétrissement bactérien de la tomate (Ralstonia solanacearum, anciennement Pseudomonas) est fortement réduit ou disparait totalement,même en saison chaude alors que les cultures sont détruites sur sol nu. Les pourridiés (Armillaria heimii et Rosellinia ecatrix) sont également très fortement réduits. C'est également le cas chez le haricot où l'incidence du «gros genou» (Ophyiomia phaseoli) est fortement réduite Le kikuyu permet également le contrôle d'un ver blanc, Hoplochelus marginalis. L'ensemble du système racinaire du kikuyu semble jouer un rôle de leurre vis à vis du parasite racinaire.

Fourrages et production animale

Le kikuyu est une plante fourragère d'excellente qualité, particulièrement intéressante sur les hautes terres où l'élevage laitier est très développé. Il se prête aussi bien au pâturage qu'à la fauche manuelle et présente la meilleure valeur alimentaire des graminées tropicales. Associé au trèfle (Trifolium semipilosum) en altitude, il donne un fourrage de haute valeur nutritive.

Intégration dans les systèmes de cultures

Le kikuyu est une plante pérenne utilisée en couverture vive permanente. Son implantation se fait dans une culture.

Installation dans une culture

Jeune kikuyu installé dans le riz

Sur sols à bonne fertilité, le kikuyu peut être installé dans une culture de maïs. Le développement relativement lent du kikuyu la première année fait que le maïs peut se développer sans subir les effets allélopathiques du kikuyu. Il peut être associé à d'autres cultures vivrières (riz,soja) ou maraîchères (pomme de terre, tomate). Une culture d'avoine peut ensuite lui être associée en saison intermédiaire (semis en février, à un moment où sa croissance est ralentie par les températures fraiches) pour produire du fourrage en saison froide.

Sur des sols à fertilité plus modeste, le kikuyu peut être installé dans une culture comme le haricot, qui doit être fertilisée.

Cultures impossibles sur une couverture vive de kikuyu

Une fois installé, le kikuyu est simplement contrôlé avant l'installation d'une culture, en général de légumineuse. La couverture de kikuyu réduit la prolifération des mauvaises herbes. Mais elle peut aussi perturber la croissance des cultures qui lui sont associées ou mises en place dans sa couverture vivante, même lorsqu'il est maîtrisé. En effet, le kikuyu présente des effets allélopathiques marqués sur de nombreuses cultures. En particulier, les cultures de graminées dans une couverture de kikuyu sont impossibles ou peu rentables du fait des effets allélopathiques marqués de cette plante sur la famille des graminées, à laquelle elle appartient.

La couverture de kikuyu tué par l'herbicide a des effets négatifs marqués sur la levée de la fétuque élevée (Festuca arundinacea) du ray grass anglais (Lolium pérenne) ou d'Italie (Lolium multiflorum) et du riz. Ainsi, au moment d'un sursemis de ray grass anglais (Lolium pérenne) dans le kikuyu tué au glyphosate, les graines germent mais les plantules meurent dès leur levée. Par contre le ray grass se développe normalement dans le kikuyu vivant, puis il est étouffé (en raison de la concurrence). Nous retrouvons les mêmes résultats dans les tests avec des extraits de kikuyu : les jus obtenus avec le kikuyu vivant n'ont pas d'effet, tandis que ceux de la couverture morte diminuent le taux de germination du ray grass, augmentent celui des plantules anormales, puis ont un effet dépressif sur les plantes déjà développées. Les substances phytotoxiques à l'origine de ces phénomènes ont été isolées : acides coumarique, gallique, vanillique, et permettent de reproduire ces effets en laboratoire.

Chez le maïs, la croissance est réduite par les exsudats racinaires du kikuyu : le maïs reste nain et sa production est nulle, même dans une couverture de kikuyu bien maîtrisée par herbicide. En revanche, aucun effet notable n'a été relevé pour le blé.

Chez les Solanacées, des observations ont été réalisées sur la tomate pour laquelle la levée est très irrégulière en semis direct dans les trous entourés de kikuyu. Les exsudats racinaires et le jus de macération de la couverture retardent la germination de la tomate et provoquent l'apparition d'un taux élevé de plantules anormales. Pour l'éviter, elle est mise en place en repiquant des plants obtenus en pépinière, car aucun effet allélopathique n'est observé sur la plante développée. Par la suite, la production des plantes développées est très intéressante. Le même effet dépressif de la couverture sur la levée des graines est observé chez les Crucifères, pour le chou pommé ou chez les Composées, pour la laitue.

Cultures recommandées sur une couverture vive de kikuyu

Haricot sur couverture vive de kikuyu. Photo :O.Husson

Les cultures recommandées sur couverture de kikuyu sont essentiellement des légumineuses ou des espèces maraîchères. Aucun effet allélopathique du kikuyu n'a été observé sur des légumineuses. Ainsi, le haricot, le soja ou le petit pois sont des cultures très intéressantes sur une couverture vive de kikuyu. Toutefois, en dessous de 1500 m à Madagascar, il est nécessaire d'alterner les légumineuses, la graisse du haricot pouvant se développer en l'absence de rotation. Le repiquage de solanacées, en particulier la tomate est également une pratique très intéressante. Cette pratique permet d'éviter les problèmes de levée et de bénéficier des effets favorables observés sur ces cultures, avec en particulier l'amélioration de l'état sanitaire des plantes et des productions (disparition du flétrissement bactérien de la tomate, du gros genou du haricot, etc. ). La pomme de terre est également une culture qui peut être conduite sur couverture vive de kikuyu.

Association avec les arbres

Dans les vergers d'altitude (agrumes, pommier, pêcher ...) le kikuyu peut être utilisé comme couverture : il contrôle l'érosion et les mauvaises herbes, et peut être exploité par fauche. Il stimulerait la végétation des jeunes plants de poirier.

Une association forêt-pâturage peut aussi être envisagée afin de préserver la forêt, tout en développant la production animale. Le kikuyu réduit la prolifération des mauvaises herbes dans les reboisements de cyprès, camphrier, Acacia mearnsii (« mimosa »), sans affecter les

arbres. Pour une association avec des arbres, il est recommandé d'installer d'abord la couverture vivante dans une culture qui permet d'en payer l'installation, et d'implanter ensuite les arbres dans la couverture vive de kikuyu, en prenant soin de la contrôler suffisamment pour éviter qu'elle ne fasse de compétition aux jeunes arbres.

Intérêts économiques

Un des intérêts majeurs du kikuyu est qu'il permet une diminution des temps de travaux nécessaires à la préparation du terrain et à l'entretien de la parcelle, par la suppression du labour et des sarclages.

Le kikuyu installé étant très agressif, il domine les autres plantes et constitue un tapis monospécifique, facilement contrôlable avant mise en culture par utilisation d'herbicide (fluazifopp-butyl ou glyphosate). Ainsi, la préparation du terrain avant semis passe de 50 jours/ha en systèmes avec travail du sol (labour à l'angady) à 4 jours/ha pour la pulvérisation d'un herbicide avec un pulvérisateur à dos. En altitude, le contrôle mécanique ou chimique du kikuyu est même souvent inutile en raison du gel de ses parties aériennes (plantations d'octobre).

L'entretien des cultures est également fortement réduit du fait du contrôle des adventices par la couverture végétale : pour la culture d'une légumineuse, le temps consacré à l'entretien des parcelles passe de 30 jours/ha sur haricot et plus de 60 jours/ha sur soja en système traditionnel après labour, à environ 7 à 11 jours/ha sur la couverture de kikuyu, grâce à la suppression des sarclages.

Seul le temps de semis est augmenté pour implanter correctement la culture dans une couverture végétale dense. Il passe de 20 jours/ha après labour à 30 à 35 jours/ha en semis direct dans une couverture végétale.

Au final, le gain de temps est considérable : le semis direct permet d'économiser 50 jours de travail par hectare pour une culture de haricot, et 70 jours/ha pour le soja. L'herbicide employé pour ce gain de temps est extrêmement rentable puisque le contrôle du kikuyu peut se faire à faible dose de fluazifopp-butyl (0,25 l/ha du produit commercial, le Fusilade X2), pour un coût modique d'environ 8000Ariary/ha (soit environ 3 euros/ha ou l'équivalent de 3 journées de travail). Cette très faible dose représente 3 à 6 fois moins que la dose maximale autorisée sur culture de légumes.

Intérêts environnementaux

Sur le plan environnemental, le kikuyu est avant tout intéressant pour son excellent contrôle de l'érosion une fois implanté. Le réseau très dense de stolons et de rhizomes, le système racinaire fasciculé très développé dans les horizons de surface et la couverture permanente du sol permettent au kikuyu d'assurer un contrôle total de l'érosion et une très bonne infiltration de l'eau.

Le kikuyu permet également une recharge progressive du sol en carbone.

A noter également que le kikuyu résiste bien au feu, redémarrant rapidement par ses rhizomes.

Auteur : Husson O. et al. (2013). Manuel pratique du semis direct sur couverture végétale permanente (SCV). Application à Madagascar. GSDM/CIRAD.

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