L'analyse et la gestion du risque phytosanitaire : Quels sont les connaissances scientifiques et les outils indispensables ?

Le cadre réglementaire d'une ARP et son déroulement

Les analyses de risque phytosanitaire sont réalisées en France par l'unité Expertise-Risques biologiques du laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses[1] selon des normes officielles internationales (NIMP 2 « cadre de l'analyse du risque phytosanitaire » et NIMP11 «analyse du risque phytosanitaire pour les Organismes de quarantaine ») publiées par la Convention Internationale pour la Protection des végétaux.

Cette norme décrit très précisément la démarche à suivre et les différents points à traiter visant, au final, à statuer sur le risque phytosanitaire lié à l'introduction, à l'établissement et à la dissémination de l'organisme nuisible en question et sur les conséquences économiques et environnementales qui en découlent, puis dans un second temps, à proposer des stratégies éventuelles de gestion. Un avis sur les conclusions d'une ARP réalisée par un pays de l'UE[2] ou un pays tiers peut être donné au niveau européen par le groupe scientifique de santé des plantes de l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (European Food Safety Authority, EFSA).

Le schéma résume les différentes étapes à réaliser lors d'une analyse de risque selon les normes internationales NIMP 2 et 11. La première étape correspond à la mise en route du processus et permet de définir la zone géographique et la filière impliquées et de vérifier si le ou les organisme(s) ciblé(s) peuvent être catégorisés comme organisme nuisible. Si ce n'est pas le cas, la procédure s'arrête à ce niveau (flèche vers un stop). S'il s'agit d'un organisme considéré comme nuisible, l'analyse de risque commence à proprement dite (flèche vers nouvel encadré). Si le risque est jugé acceptable, la procédure s'arrête (flèche vers signe STOP). Si le risque est avéré, l'étape suivante vise à lister/ évaluer les mesures pertinentes de gestion du risque (nouvelle flèche vers l'étape suivante). Des options de mesure de réduction du risque sont alors proposées et une décision réglementaire peut alors mettre en place les mesures proposées (hors cadre de l'ARP).
Analyse du risque phytosanitaire

Après une première étape de mise en route de l'analyse (identification de l'organisme nuisible, des filières d'importation, de la zone géographique concernée), l'ARP comporte une partie d'évaluation du risque phytosanitaire suivie d'une seconde partie relative à la gestion de ce risque si le risque est avéré. Le processus d'évaluation du risque phytosanitaire se subdivise lui-même en quatre étapes interdépendantes. Les points principaux abordés sont les suivants:

1- Catégorisation de l'organisme nuisible : Il s'agit de définir si l'organisme concerné peut être considéré comme un organisme de quarantaine du fait de ses caractéristiques biologiques et génétiques, de sa répartition géographique actuelle et des conditions agro-environnementales de la zone géographique ciblée.

2- Evaluation de la probabilité d'introduction de l'organisme nuisible : il s'agit notamment d'identifier les filières concernées (origine et type de matériel, intensité des échanges) et les possibilités de survie de l'organisme lors du transport.

3- Evaluation de la probabilité d'établissement et de dissémination de l'organisme nuisible : L'évaluation de la probabilité d'établissement et de dissémination mobilise les connaissances des caractéristiques biologiques et génétiques de l'organisme concerné, de la biologie des éventuels vecteurs, de l'épidémiologie de la maladie correspondante en cas d'un agent pathogène et enfin, des conditions agro-éco-climatiques de la zone géographique concernée. Les données concernant la probabilité de dissémination servent à estimer la rapidité avec laquelle l'importance économique potentielle de l'organisme nuisible peut se concrétiser dans la zone ARP. De plus, cette information peut être importante au stade de la gestion du risque lorsqu'on examine la faisabilité de l'enrayement ou de l'éradication d'un organisme nuisible introduit.

4- Evaluation des conséquences économiques, sociologiques et environnementales potentielles : L'analyse détaillée des conséquences économiques n'est pas nécessaire, si l'on dispose de preuves suffisantes ou s'il est généralement reconnu que l'introduction d'un organisme nuisible aura des conséquences économiques inacceptables (y compris l'impact sur l'environnement). Les facteurs économiques doivent cependant être examinés plus en détail lorsque le niveau de conséquences économiques est en cause, ou que ce dernier est nécessaire pour évaluer la sévérité des mesures utilisées pour la gestion du risque ou pour évaluer le rapport coûts-avantages de l'exclusion ou de la lutte. Les effets directs (sur les plantes hôtes comme niveau de symptômes/dégâts/ pertes de rendement, etc... ) et indirects (effets sur les marchés, les coûts de production, l'environnement, etc...) doivent notamment être listés et évalués.

Remarque

A l'issue du processus d'évaluation du risque, l'ARP statue sur le risque phytosanitaire lié à une éventuelle introduction de l'organisme concerné. Si ce risque est avéré (avec un niveau d'incertitude quantifié), l'ARP évalue la pertinence de mesures éventuelles de gestion et en détermine les modalités optimales.

Les stratégies en termes de gestion du risque concernent avant tout la réduction du risque d'introduction de l'organisme nuisible. Pour cela, les mesures mises en œuvre peuvent impliquer (i) une limitation ou une interdiction des échanges les plus risqués et (ii) le contrôle de l'état sanitaire du matériel importé, soit sur le site de production dans le pays d'origine, soit aux frontières, (iii), le traitement éventuel des envois (fumigation, irradiation, etc..). La délivrance de certificats phytosanitaires fournit l'assurance officielle qu'un envoi est estimé « exempt d'organismes de quarantaine » et qu'il est conforme aux exigences phytosanitaires en vigueur du pays importateur.

Dans le cadre d'une ARP, il est aussi demandé de proposer des mesures de limitation de la dissémination ou d'éradication de l'organisme nuisible. Comme pour l'évaluation de la probabilité d'établissement et de dissémination, les mesures phytosanitaires doivent être basées sur la connaissance (i) des caractéristiques biologiques et génétiques de l'organisme introduit, (ii) des facteurs conditionnant l'épidémiologie de la maladie en cas d'un organisme pathogène et (iii) sur les caractéristiques de la zone géographique faisant l'objet de l'ARP. Ces recommandations de gestion sont souvent basées sur une analyse empirique de la situation à partir des différentes connaissances. Cependant, des développements méthodologiques récents permettent de plus en plus souvent de proposer des options de surveillance et de gestion dont l'efficacité a été préalablement testée in silico en s'appuyant sur les résultats de modèles quantitatifs d'établissement et de dissémination de l'organisme nuisible visé. Pour en savoir plus, vous pouvez visionner l'interview de Philippe Reynaud de l'unité d'entomologie et de plantes invasives de l'Anses à Montpellier.

Vidéo Philippe REYNAUD 4
  1. Anses

    Agence Nationale de Sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail

  2. UE

    Union européenne

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