L'analyse et la gestion du risque phytosanitaire : Quels sont les connaissances scientifiques et les outils indispensables ?

Modéliser la dispersion post-entrée

Objectifs

Si les cartes de risque permettent d'obtenir des informations sur les zones où un organisme nuisible donné a le plus de chance de s'établir, elles ne permettent pas de modéliser précisément la dynamique de dispersion. Or cette information est essentielle dans le cadre de la définition de stratégies de gestion et notamment pour établir des plans de surveillance.

Comme nous l'avons vu précédemment, prédire la dispersion d'un organisme nuisible peut être particulièrement complexe. Les capacités de dispersion dépendent de nombreux facteurs relatifs à :

- la biologie de l'organisme nuisible,

- la présence de vecteurs potentiels dans le cas de pathogènes,

- la présence de compétiteurs ou de prédateurs,

- la structure spatiale des plantes hôtes et aux barrières potentielles à la dispersion (hétérogénéité du paysage)

- de nombreux autres facteurs biotiques et abiotiques.

De plus, des événements rares comme les événements climatiques violents (ouragans) peuvent avoir un impact important sur la dispersion en augmentant sensiblement les distances de dissémination (sauts à longue distance).

Exemple

La bactérie Xanthomonas axanopodis pv. citri est responsable de la maladie du chancre des agrumes. La bactérie est dispersée par le vent et la pluie, notamment lors d'orages, sur des distances allant de quelques dizaines de mètres à plusieurs centaines de mètres. Le passage de trois ouragans sur la Floride en 2004 a provoqué une dispersion de la maladie sur des distances beaucoup plus grandes. Cet événement s'est traduit par de nombreuses nouvelles infections très éloignées de celles qui préexistaient avant ces événements climatiques violents. Vous pouvez en savoir plus en cliquant sur ce lien.

Modèles

Prédire et simuler la dispersion d'un organisme nuisible nécessite de prendre en compte les dimensions temporelle (accroissement de la population) et spatiale (dissémination dans un milieu homogène comme une parcelle cultivée ou hétérogène comme le paysage). Ces deux dimensions peuvent être ou non discrétisées.

  • Les modèles temporels (de croissance de populations) peuvent considérer soit la population de l'organisme dans son ensemble, soit les individus (modèles individu-centré). Ils peuvent s'appuyer sur des modèles très simples (et souvent peu réalistes) impliquant la fonction exponentielle ou encore logistique ou au contraire sur des modèles complexes intégrant la relation avec d'autres organismes (modèle prédateur-proie, de compétition, stratifié par l'âge....). Dans le cas des agents pathogènes, on modélise plutôt le développement de l'épidémie qui en résulte à l'aide de différents modèles mécanistes ou à compartiments [lien vers les modèles en épidémiologie[1]].

  • La dimension spatiale est généralement intégrée à un modèle de croissance de populations, soit de façon implicite (modèles de métapopulation classiques ou d'occupation de patchs par exemple), soit de façon explicite en modélisant directement la dispersion à l'aide de différentes approches (modèles de réaction-diffusion, modèles de dispersion stratifiés, fonctions de dispersion etc..).

Vous pouvez en savoir plus sur les fonctions de dispersion, notamment dans le cadre de la dispersion de pathogènes des plantes en cliquant ici [fonction de dispersion[2]]

Enjeux méthodologiques

Il existe une très riche bibliographie concernant les modèles de dispersion tant en écologie qu'en épidémiologie. De nombreux modèles espèce spécifiques ont été développés. Ceux-ci intègrent généralement de nombreux détails sur le cycle de vie et les processus de dispersion de l'organisme considéré et comportent de nombreux paramètres. En conséquence, ces modèles sont souvent longs à développer, à paramétrer et valider. Dans le cadre des analyses de risque phytosanitaire et de la biologie des invasions, les enjeux (parfois potentiellement antinomiques) se situent à plusieurs niveaux :

  • Prise en compte de façon explicite des caractéristiques du paysage et notamment de son hétérogénéité qui va jouer un rôle majeur sur les potentialités de dispersion d'un organisme invasif (connectivité des ressources, corridors, barrières, etc..). Les systèmes d'information géographique de plus en plus élaborés facilitent ces approches

  • Mise à disposition de modèles suffisamment génériques et simples (même si la conséquence peut être un moindre réalisme) pour être utilisés avec des organismes très différents et peu de données biologiques disponibles

  • Développement d'outils accessibles à des non-modélisateurs pour pouvoir modéliser et tester différents scénarios de dispersion.

  • Intégration de modèles d'estimation des impacts associés à la dispersion. Ce module est essentiel pour pouvoir estimer des rapports coûts/bénéfices lors de l'étape de définition de stratégies de gestion.

  1. lien vers les modèles en épidémiologie
  2. fonction de dispersion
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