Les stratégies d'adoption
L'adaptation des pratiques par les agriculteurs est un processus normal de l'appropriation de techniques innovantes Le modèle RPLB proposé par le projet FloAgri a donné naissance à de nombreuses variantes. Comment les agriculteurs se sont-ils approprié l'innovation et en ont adapté les pratiques et les outils ?
Ces différentes stratégies d'adoption ont d'abord été fonction des systèmes de cultures céréalières préexistants. On peut distinguer quatre trajectoires différentes :
Les agriculteurs pratiquant initialement la technique traditionnelle de l'abattis-brulis ont substitué cette méthode à une alternative inspirée de la RPLB. C'est la trajectoire prévu par le projet FloAgri et qui a donné lieu à tout un ensemble de pratiques nouvelles. Il s'agit d'une stratégie de "complexification"
Deux trajectoires d'innovation se distinguent à partir de système de culture avec labour mécanisé et utilisation d'intrants.
Le premier repose sur l'adoption partielle du semi-direct dans un objectif d'économie de ressources en évitant de louer un tracteur. Il s'agit d'une « simplification » de l'itinéraire technique.
La seconde innovation que le projet FloAgri a permise au sein de ce type de système est l'adoption du semoir semis-direct à traction animale, mais adapté au tracteur. L'objectif de cette adaptation est de gagner du temps lors de la réalisation de semis et d'améliorer la fertilisation grâce à une canne planteuse qui dépose l'engrais au niveau de la graine. Il s'agit d'une stratégie « intensification » permettant à l'agriculteur d'augmenter les surfaces pouvant être plantées ou de se libérer du temps.
Enfin, pour un agriculteur, le projet FloAgri lui a permis de reprendre la culture céréalière, culture qu'il avait abandonnée. Soutenu il a mis en place un système proche de la RPLB avant d'évoluer vers un système mécanisé en sous-traitance. Il s'agit là d'une stratégie de "diversification"
L'adoption variable des pratiques et des outils du modèle
De nombreux aspects de l'itinéraire technique de la RPLB ont été totalement délaissés. C'est le cas du principe de rotation de culture et ce pour plusieurs raisons. D'abord les plantes de couverture, inclues dans la rotation, ont été jugées trop coûteuses, inefficaces (les variétés choisies n'étaient pas adaptées) et inutiles par les agriculteurs puisque non valorisables commercialement. Le principe de rotation des cultures est aussi mis à mal par la forte prédominance de la culture du maïs sur celle du riz et des haricots qui dans certains cas va jusqu'à de la monoculture de maïs mieux valorisé.
L'adoption des intrants (calcaire, fertilisants, herbicides, semences améliorées) a été très variable en partie à cause de difficultés pour se les procurer sur le marché local et leur coût élevé.
Les équipements n'ont pas tous rencontré le même succès. La traction animale a été un véritable objet de blocage puisqu'allant à l'encontre des aspirations à la modernité des agriculteurs. Et c'est ce blocage qui a entraîné le rejet d'autres outils. Le rolo-faca[1], par exemple, outil tiré par des animaux et permettant de coucher l'herbe avant l'utilisation d'herbicides, a été délaissé au profit de la débrousailleuse. L'outil, développé dans le sud du Brésil, s'avérait peu adapté à la végétation ligneuse de la région. Seul un agriculteur l'utilise mais commence par lâcher le bétail sur la parcelle avant de réaliser deux passages perpendiculaires avec le rolo-faca. Là aussi le modèle a été adapté. Autre motif de rejet : rolo-faca précède l'utilisation d'herbicides, produits craints et difficiles d'accès. |
Par contre, le pulvérisateur proposé par le projet a rencontré un vif succès. Il s'agit d'un pulvérisateur à traction humaine dont les avantages ont été unanimement reconnus par les agriculteurs. Cet outil permet un gain de temps et de confort considérable comparé au pulvérisateur à dos. D'autre part, il permet à l'utilisateur de se tenir à une distance plus prudente des produits. |
Remarque :
La plupart des systèmes de culture mis en place par les agriculteurs sont encore non stabilisés et des processus d'adaptation importants sont en cours. La conception exogène du modèle innovant par la recherche présente plusieurs limites. En effet, l'introduction de la traction animale et des équipements coûteux qui lui sont associés ne pouvaient pas fonctionner à Uruará.
Auteur : Gouthier Axelle
Source : Processus et réseaux d'innovation autour du semis direct dans l'agriculture familiale. Le cas de la « Roça Floagri » à Uruará sur la route Transamazonienne (Pará, Brésil). Villemaine Robin
Superviseurs :Brives Hélène, De Tourdonnet Stéphane, Clerquin Sarah