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Processus et réseaux d'innovation autour du semis direct

Identification des acteurs

Les acteurs impliqués dans le processus d'innovation

Tout au long de sa trajectoire, le modèle RPLB[1] a mobilisé différents acteurs qui l'ont conçu, porté, discuté, critiqué, adapté ou bien délaissé en fonction de leurs intérêts et stratégies respectives. Qui sont les différents acteurs qui ont pris part à cette innovation ? Comment perçoivent-ils cette innovation ?

Les acteurs issus de la recherche

Les Chercheurs du CIRAD et de l'EMBRAPA[2] sont à l'origine du modèle RPLB. Ce sont eux les principaux porteurs de cette innovation ce qui se traduit par des interventions régulières sur le terrain et le financement de dispositifs de démonstration. Mais ce rôle s'est amenuisé au fil du temps en l'absence de nouveau financement.

Un technicien de l'EMBRAPA basé à Uruará, en tant que coordinateur local du projet Floagri[3], devient le porteur principal de l'innovation. C'est lui le principal « traducteur » du dispositif.

Les acteurs du monde agricole

Le STTR[4] municipal se veut l'organisation paysanne la plus représentative des agriculteurs familiaux d'Uruará. Il voit dans le RPLB un modèle de développement spécifique adapté aux conditions de l'Amazonie. Il joue alors un rôle d'articulation et d'un soutien logistique. Il a joué un rôle important dans l'enrôlement de la CFR[5] mais n'a jamais cherché à faire pression sur l'EMATER[6] ou les banques.

Le CFR[5] est une école d'agriculture par alternance intégrée dans le dispositif via le STTR[4]. Il voit la RPLB comme un moyen d'enrichir son offre pédagogique d'une technique moderne. Son action se traduit par la mise en place d'ateliers de formation en lien avec la RPLB.

L'EMATER[6] s'investit dans le projet Floagri en organisant une journée de démonstration et en soutenant le CFR dans sa démarche pédagogique concernant la RPLB. C'est à lui qu'incombe l'accompagnement technique des agriculteurs adoptant l'innovation. Mais seul un technicien, sur les sept travaillant pour cet organisme, s'intéresse à la RPLB. C'est en partie pourquoi la collaboration s'arrête.

Les acteurs économiques et politiques

Suite à la journée de démonstration, les banques se disent prêtes à étudier les possibilités de financements du paquet RPLB. Leur enrôlement est indispensable pour permettre l'accès aux financements. Mais par la suite, aucun crédit n'a été accordé pour la mise en place de la RPLB.

La mairie d'Uruará, se montre initialement intéressée par la RPLB qu'elle soutient logistiquement puis financièrement. Elle multiplie des déclarations d'intention annonçant une politique publique municipale d'appui à la RPLB. Mais ces déclarations restent vaines et la mairie fini par se retirer complètement du projet.

Cette première identification des acteurs permet d'entrevoir des blocages chez certains d'entre eux : l'EMATER, la mairie et les banques pourtant initialement intéressés. On parle de "déplacement non-consolidé". Le réseau socio-technique est donc incomplet et n'offre pas les conditions de son expansion : pas d'accès au financement, pas d'accompagnement technique.

Le dispositif d'innovation au début du projet ©Villemaine RLe dispositif d'innovation à la fin de l'étude de cas ©Villemaine R

Évolution du dispositif d'innovation en deux grandes étapes

Remarque

L'absence d'implication des banques et de l'EMATER[6] fait de l'accès aux crédits et à l'assistance technique deux objets de blocage.

Les agriculteurs : acteurs au centre du processus d'innovation

Les agriculteurs sont des acteurs un peu particuliers puisque c'est à eux que s'adresse l'innovation. Les autres acteurs, quant à eux, jouent un rôle important en facilitant ou non l'adoption de l'innovation par ces derniers (appui technique, financier, incitation...). Certains agriculteurs peuvent aussi devenir porteurs de l'innovation et tenter à leur tour d'enrôler les autres acteurs.

Représentants de l'EMATER visitant une UD en fevrier 2007(PhotoEMATER)

L'adoption de l'innovation

Initialement les agriculteurs sont dubitatifs face à cette innovation mais la première journée de démonstration suscite un fort intérêt. Pour eux, la RPLB est un moyen de produire plus sur de petites surfaces tout en récupérant des terres dégradées plus proches de leur résidence.

Mais au-delà de ces aspects, l'espérance d'un bénéfice social et politique se veut aussi un des moteurs de l'adoption. En effet, la mise en place du modèle innovant RPLB peut être un moyen pour l'agriculteur de démontrer ses capacités techniques et ainsi de renforcer son statut socioprofessionnel voire politique.

Certaines fermes ont été sélectionnées pour devenir des Unités de Démonstration (UD) et ainsi enrôler les autres acteurs. D'autres agriculteurs expérimentent de leur propre initiative le modèle. Mais globalement, l'adoption reste faible, en partie à cause de la difficulté à trouver des financements. Les UD abandonnent parfois lorsque le soutien technique et financier du projet FloAgri[3] s'arrête, évoquant diverses raisons (trop coûteux, non-prioritaire,...).

Un regain d'intérêt apparaît chez les agriculteurs suite au durcissement de l'application du code forestier à partir de 2008. De fortes amandes sont prévues pour avoir défriché. La RPLB apparaît donc comme une alternative à l'abattis-brûlis[7].

Les agriculteurs alliés de l'innovation

Ce regain d'intérêt des agriculteurs pour l'innovation pousse certains d'entre eux à en devenir porteurs de l'innovation et porte-paroles de leurs pairs. Une nouvelle tentative d'enrôlement des acteurs locaux voit le jour. Les banques et l'EMATER sont fortement critiqués et contraints de s'engager de nouveau.

A cette étape du processus, la RPLB représente pour les agriculteurs à la fois un intérêt personnel en tant que producteurs, mais aussi un intérêt sociopolitique permettant de renforcer leur représentativité au niveau local, et un intérêt collectif pour l'accès aux services agricoles en faisant pression sur l'EMATER[6] et les banques.

Remarque

Cette analyse illustre comment la vision de l'innovation en elle-même évolue en fonction des intérêts des agriculteurs qui vont parfois bien au-delà de l'intérêt technique.

Auteur : Gouthier Axelle

Source : Processus et réseaux d'innovation autour du semis direct dans l'agriculture familiale. Le cas de la « Roça Floagri » à Uruará sur la route Transamazonienne (Pará, Brésil). Villemaine Robin

Superviseurs :Brives Hélène, De Tourdonnet Stéphane, Clerquin Sarah

  1. RPLB : Roça Permanente de Lavoura Branca, (Cultures annuelles permanentes)

  2. EMBRAPA : Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecúaria, l'institut national de recherche agronomique

  3. FloAgri : Floresta e Agricultura (Forêt et Agriculture)

  4. STTR : Syndicat des Travailleurs et Travailleuses Ruraux

  5. CFR : Centre de Formation Rural

  6. EMATER : Empresa Nacional de Assistênça Técnica e Extensão Rural (Entreprise d'Assistance Technique et d'Extension Rurale)

  7. Abattis-brûlis

    Système agraire reposant sur le défrichement des champs par le feu opérant ainsi à un transfert de fertilité. Ces champs sont ensuite cultivés pendant une courte période avant d'être mis en jachère forestière sur une période plus longue que la durée de mise en culture.

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