Le jeu des Derdians, un jeu de rôle sur l’interculturalité en milieu professionnel

Résumé :

Deux équipes représentent deux civilisations différentes, l’une sur le modèle occidental, l’autre sur le modèle « en voie de développement ». Une équipe d’ingénieurs est dépêchée sur place, en Derdian, pour construire un pont et apprendre les techniques aux autochtones. Mission assez simple, dans le concept. Mais les codes culturels mettront un peu d’épices dans ce volontariat à très court terme … La phase de debriefing a pour un enjeu de mettre en relation les vécues et analyses tirées de cette expérience avec ce qui peut être la réalité durant un projet interculturel.

DESCRIPTION DE LA SITUATION

Déroulement :

Le Jeu (2 heures) : Deux équipes représentent deux civilisations différentes, l’une sur le modèle occidental, l’autre sur le modèle « en voie de développement ». Une équipe d’ingénieurs est dépêchée sur place, en Derdian, pour construire un pont et apprendre les techniques aux autochtones. Mission assez simple, dans le concept. Mais les codes culturels mettront un peu d’épices dans ce volontariat à très court terme …

Dans l’idéal, le groupe d’ingénieurs est composé de 5 personnes, et celui des Derdians de 10 à 15 personnes. Ces groupes sont constitués en amont par l’équipe pédagogique afin de veiller à la mixité (formations actuelles et antérieures, nationalités, sexes…) et sont séparés dans deux salles distinctes tout en étant accompagnés par un animateur pour chaque groupe.

1) Présentation du jeu de manière globale et des objectifs pédagogiques (10 min) : à noter qu’il est important d’expliciter ces objectifs pour favoriser l’adhésion des étudiants.

2) Réalisation de la maquette du pont et apprentissage des règles de vie des Derdian (30 min) : l’animateur donne aux ingénieurs le matériel nécessaire à la réalisation de la maquette (cartons, ciseaux, scotch etc) et est attentif à la dynamique de groupe (mode de collaboration, répartition des rôles, interactions, émergence de conflit, négociation etc.). Parallèlement, les Derdians prennent connaissance de leurs règles de vie (Voir ici : Instructions pour les deux groupes) ex : ne pas parler, les hommes ne doivent pas utiliser ni les stylos, ni les règles, les femmes n’utilisent pas les ciseaux… et un écart à ces règles doit être signalé par un cri.

3) La visite des ingénieurs en territoire Derdian (5 min, 1 min/visite) : Tour à tour, les ingénieurs vont découvrir et observer les Derdians pour tenter de comprendre leurs codes sociétaux. Aucun n’échange n’a lieu à leur retour dans le groupe ingénieur. L’animateur, quant à lui, reste attentif à ce qui est entrain de ce jouer (ex : paralangage, hésitation etc).

4) Les ingénieurs enseignent aux Derdians comment construire le pont (25 min) : durant cette étape, les ingénieurs ont pour mission d’enseigner aux Derdians les techniques nécessaires à la reproduction de leur maquette (qu’ils n’ont pas sous les yeux). L’enjeu repose alors sur la transmission de ces savoirs et savoir-faire dans le respect des codes culturels et religieux de ce peuple sans aucune intervention manuelle des ingénieurs. L’animateur veille ici à ce que ces codes culturels soient respectés par les deux groupes.

5) Le debriefing en groupe séparé (15 min) : chacun des membres des deux groupes doivent réfléchir, individuellement puis collectivement, à plusieurs questions :

  • Comment vous êtes-vous sentis dans votre propre culture ? Dans votre rôle ? Comme groupe culturel ?
  • Comment avez-vous perçu les autres ? Leurs règles ? Comment ont-ils respecter vos règles ? Ont-ils persisté avec leurs règles culturelles ? Ont-ils été flexibles ? Ont-ils été limités par leurs règles ?
  • Quelles tensions ou conflits principaux sont apparus ? Comment avez-vous été profondément limités par vos propres règles ?

Un rapporteur est désigné dans chacun des deux groupes.

6) Le debriefing en plénière (30 min) : est orienté selon les objectifs pédagogiques visés. Ces différents points sont abordés : perceptions et règles culturelles des Derdians, les conflits et/ou difficultés apparues (discussions sur les compréhensions et les malentendus de l’autre culture à la lumière des règles entre les Ingénieurs et les Derdians), mise en relation entre ces conclusions et ce qui peut être la réalité durant un projet interculturel.

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

– Prendre conscience des différences culturelles qui peuvent exister en milieu professionnel.

– Favoriser l’acquisition d’aptitudes et de compétences en gestion de la différence culturelle.

– Disposer de repères pour mieux anticiper et gérer des situations professionnelles chargées culturellement.

– Apporter un regard sur le positionnement de l’individu dans le groupe et sur l’imprégnation réelle de leur culture sur les personnes.

– Favoriser la cohésion de groupe, et l’émergence d’une culture de « travailler ensemble ».

Nombre d’étudiants en moyenne :  200 (pour les ingénieurs) ; 30 pour les LP ; 30 pour les Vinifera.

Production(s) pédagogique(s) : Guide pour mener le jeu des Derdians

RETOUR SUR VOTRE EXPÉRIENCE

Pour quelle(s) raison(s) procédez-vous ainsi ? 

– Favoriser un accueil efficient et bienveillant d’étudiants étrangers aux sein d’équipes projet déjà formées (Projets d’Étudiants Ingénieurs).

– Créer du lien dans la nouvelle promotion, et amorcer une dynamique de travail collectif (notamment dans la semaine d’immersion des étudiants de l’EuroMaster Vinifera).
– Les étudiants ont été sollicités sur la modalité de cours qu’ils aimeraient suivre, à savoir un apprentissage actif, dynamique et interactif.
– Des conditions et un déroulement de jeu adaptable à différentes situations et objectifs, une mise en place qui ne nécessite pas de budget, et une démarche soutenue par les expertises de plusieurs personnes ressources au regard des jeux de rôles.
– Enclencher une réflexion sur les enjeux de l’interculturalité et faire raisonner leurs expériences avec ce qui s’est joué durant cette séance (notamment pour les étudiants en stage de césure).

Quelle(s) difficulté(s) avez-vous du résoudre avant la mise en place de la situation ? 

– Démontrer l’intérêt de ce jeu de rôle à certains étudiants qui ne paraissaient pas réceptifs (dérouler ce jeu le jour de la rentrée avec des étudiants qui se découvrent n’est pas l’idéal).
– La gestion pragmatique pour assurer le bon déroulement du jeu : réunir les conditions matérielles (salles, outils…) et humaines (2 animateurs minimum), scénariser et séquencer le jeu de rôle, préparer les points à aborder durant le debriefing…
– L’animation d’un grand groupe (200 étudiants ingénieurs), adapter le phasage, et gérer la frustration de ces étudiants qui n’ont pas pu s’investir comme ils le voulaient.

Qu’est-ce qui dans ce que vous avez mis en place est satisfaisant ? 

– L’expérimentation de ce jeu auprès des Vinifera : étudiants très réceptifs, enjeu de cohésion de groupe important, richesse du partage d’expériences et réelle expression d’une envie de découvrir les cultures qu’ils ne leur sont pas familières.

– Richesse des débats et remise en question lorsque des difficultés sont apparues.

– La co-construcion/animation et le vécu de ce jeu de rôle a permis de renforcer les liens entre l’équipe pédagogique et les étudiants : vraies interactions et proximité.

Reste insatisfaisant ? 

– L’effectif des ingénieurs (200) était trop important pour la conduite et le vécu effectif de chacun dans ce jeu de rôle. Une piste de réflexion mène à la pédagogie Thiagi (pédagogie en grand groupe), et à la recherche d’un jeu de ce type adapté à cet effectif.

ÉVALUATION PAR LES ÉTUDIANTS

Avez-vous demandé aux étudiants d’évaluer la situation ? Si oui, de quelle(s) manière(s) ? 

Par un questionnaire de satisfaction distribué à chaud aux étudiants. (voir ici)

Quels en sont les principaux enseignements ? 

Points négatifs : frustration éprouvée par les ingénieurs au regard de leur grand effectif (200) de ne pas avoir pu interagir et s’impliquer comme ils le voulaient. Les licences professionnelles ont témoigné d’une certaine dérision vis-à-vis de ce jeu que certains ont jugé caricatural. D’autres estimaient que ce jeu était trop simple, et qu’ils n’avaient pas besoin de « cours » sur l’interculturalité au vue de leurs expériences passées. Or, des compétences interculturelles se développent tout au long de la vie, d’où l’importance de leur expliciter les objectifs de ce jeu de rôle en amont.

Points positifs : quelques verbatim issues du questionnaire de satisfaction…

« J’ai appris à prendre un temps de recul lorsque l’on fait la connaissance avec une nouvelle personne pour bien la comprendre et comprendre comment communiquer avec elle. Je pense que ça va m’aider à mieux communiquer avec mon maitre de stage, mes collègues, mon directeur dans le travail… »

« J’ai appris à mieux communiquer face à certaines situations professionnelles et je pense que si j’avais eu ce TD avant mon stage d’ouvrier cela m’aurais permis peut être de mieux le réussir car je me suis retrouvé face à des gens très peu ouvert d’esprit et qui me sortaient des phrases très caricaturales, face à des gens qui communiquaient très mal. »

« Le fait de se mettre dans la peau d’une société qui a une culture et des règles très particulières, et de voir les réactions du groupe Ingénieurs, m’a permis de comprendre beaucoup de choses, notamment comment certaines réactions peuvent être facilement offensantes. Je visualise donc mieux comment réagir en cas de « conflit » avec une autre culture. »

« J’ai appris qu’il fallait toujours prendre du recul quant à la légitimité de nos actions sur un terrain nouveau »

« J’ai appris à ne pas baisser les bras lorsqu’on se retrouve en situation d’incompréhension dans une équipe, à essayer de comprendre les autres, être à leur écoute et se faire comprendre soit même par les autres de la meilleure manière »

POUR ÉCHANGER

Sur quel(s) point(s), questionnement(s) aimeriez vous interpellez vos collègues ? 

– Envie de partager les expériences concernant les jeux de rôles.

– Curieuse de la pédagogie Thiagi (transmission de savoirs à travers le jeu et en grand effectif).

Nom : Géraldine Aumasson (coordinatrice des PEI et de l’année de césure tutorée), associée à Gil le Bris (ingénieur pédagogique au sein de l’équipe TICE), Jean-Marc Dépierre (enseignant d’anglais), et Patrice Lallemand (ingénieur pédagogique de l’EuroMaster Vinifera).

Discipline(s) enseignée(s) : non-renseignée

Dans quelle(s) formation(s) ? Ingénieurs Agronomes, et SAADS / EuroMaster Vinifera / une expérimentation sur les Licences Professionnelles