La pédagogie de projet : autonomie, travail de groupe, investigation et mise en projet pour une écoute systémique du territoire

Résumé :

Présentation et explication de la méthode de la pédagogie de projet, basée sur les principes de responsabilisation, d’autonomisation et de libre choix des participants. Le support de cette situation est d’amener les étudiants à tendre vers la compréhension des logiques et fonctionnement du territoire, dans lequel ils vont évoluer,  travailler, se mettre en réseau durant la formation. Cette méthode se décline en plusieurs temps qui sont animés par un enseignant dont la posture s’efface au fil des étapes. Méthode pédagogique, qui, qui plus est, peut être reconduite en vers tout public, pour tous types d’actions, notamment d’éducation à l’environnement.

DESCRIPTION DE LA SITUATION

Description :

Cette situation s’ancre dans la méthodologie de la pédagogie de projet. Elle se déroule dans le module « Mise à niveau et mise en projet – découvrir un territoire professionnel » (55 heures + 1 semaine), lors de la première semaine de formation de la Licence Professionnelle CEEDDR (Coordination de projets d’Éducation à l’Environnement, au Développement Durable et en Réseau)

En voici les 5 grandes étapes (pouvant durer de 3 jours à plus de 15 jours:

Étape envisageable en amont : travail sur les représentations des individus sur la thématique d’étude visée (plusieurs outils peuvent être mobilisés : le blason, le photo-langage, le Q-Sort, le débat, le dessin, etc.)

1) Phase de contact, d’immersion et d’inventaire des possibles : travail d’écoute du territoire

  • Objectif : favoriser l’immersion dans le territoire pour tendre vers la compréhension de ses logiques et de son fonctionnement.

Journée 1 : immersion dans la dimension naturelle du territoire (randonnées, ateliers naturalistes, sensibles, portant sur les paysages, les grands ensembles ou encore la géologie…) et découverte des membres du groupe (jeu des prénoms etc.).

Posture de l’enseignant : guide de manière très cadrée, est conduit par des objectifs opérationnels précis.

Journée 2 : immersion dans la dimension humaine du territoire (enquête menée auprès des habitants d’un territoire donné afin de questionner trois thématiques : leur vision du territoire et de ses caractéristiques, leur vision du développement, ainsi que leur sentiment d’appartenance à leur lieu de vie).

Déroulé : réunion en classe le matin afin d’expliquer le déroulé de la journée. Puis, constitution de 5 groupes de 3 à 4 personnes qui partent chacun à la rencontre des habitants d’un territoire donné comme Florac, ou se trouvant à une vingtaine de km de l’Institut, comme le Causse, les Cévennes, les Gorges ou encore le Mont Lozère. Bien que les habitants sont rencontrés au hasard, les étudiants essaient de tendre vers la plus grande hétérogénéité possible (CSP, âge…), en visant 10 à 15 entretiens dans la journée. Le retour des étudiants est prévu en fin d’après-midi.

  • Outils :

– grille d’écoute du territoire (questionnaire), axée autour des trois thématiques d’investigation,

– carte IGN/routière,

– véhicule prêté par l’institut ou véhicule personnel,

– ordre de mission.

Matinée de la journée 3 : les données recueillies sont organisées par thématique (caractéristiques du territoire, développement, et sentiment d’appartenance) et sont traitées par l’ensemble de la classe durant 1 heure. Pour ce faire, les étudiants sont répartis en 3 groupes d’étude en correspondance avec ces 3 thématiques (avec au moins un représentant de chacun des 5 groupes d’investigation), et restituent leur analyse sous forme de poster.

Posture de l’enseignant : accompagne la démarche sans pour autant orienter, préciser ou spécifier les résultats à obtenir.

2) Le rebond : un moment d’expansion où le collectif envisage des sujets à approfondir

  • Objectif : faire émerger des questionnements et/ou des envies d’approfondissement d’un ou plusieurs sujets issus de l’inventaire des possibles et directement en lien avec le territoire étudié.

Déroulement du recueil des possibles :

1 ère phase, la « foire aux possibles » : chaque étudiant annote au marqueur (faire écrire gros), sur deux feuilles distinctes, une question et/ou un sujet qu’il souhaite approfondir, ce qui donne environ 40 propositions.

2 ème phase, la négociation (durée entre 30 min et 1h) : les feuilles sont mises au sol pour avoir une vision d’ensemble des sujets proposés. Les sujets se ressemblant sont regroupés, tout en veillant à ne pas être trop consensuel pour ne pas dénaturer le premier vœu, ce qui nécessite des temps de discussion et de négociation. Cette phase peut déboucher sur 15 à 30 propositions.

3 ème phase, les votes d’intention (durée entre 15 et 30mn) :

Les votes d’intention : les propositions de thèmes sont listées, et les étudiants sont invités à effectuer un premier vote d’intention, où ils peuvent voter pour garder 2 sujets. Ce premier vote fait apparaître des thèmes où aucun étudiant n’adhère, et ne sont donc pas retenus. Un deuxième vote d’intention est proposé, mais est réduit à une seule voix. Si des thèmes restent très peu plébiscités, une négociation est déclenchée afin d’évacuer ces sujets. À la fin, 5 à 7 thèmes sont définis.

Le vote définitif : constitution de plusieurs groupes de 2 à 4 personnes autour d’un sujet choisi à l’issu des votes, avec tout de même la possibilité de changer de sujet si l’orientation de travail prise par le groupe ne convient pas à l’un de ses membres (ce changement peut s’opérer après les premières minutes dans chaque groupe).

Posture de l’enseignant : guide la méthode d’émergence des thématiques de projet, est dans une « position d’autorisation » pour permettre aux étudiants d’être auteurs, prévient la frustration des étudiants lors des choix des sujets, accompagne les temps de négociation en ne bridant pas les orientations prises, et glisse peu à peu dans une posture plus effacée.

3) Le projet : exploration des thématiques choisies

  • Objectif : approfondir le thème choisi en articulant l’exploration et l’investigation avec 3 sources d’informations (la documentation, les témoignages des personnes ressources et le terrain).

Déroulé (durée sur 2 ou 3 jours) : mise en projet des étudiants en totale autonomie et retour sur le terrain, avec possibilité de travailler à l’Institut et de se faire rembourser les frais kilométriques.

L’enseignant (ainsi que ses collègues), par leur connaissance du territoire et des acteurs quand c’est le cas, peuvent très vite orienter les étudiants vers les « bonnes » personnes ressources, les « bons » lieux, … Il peut ainsi partager son carnet d’adresse avec les étudiants, initier une culture du réseau professionnel et éviter des errements improductifs.

Posture de l’enseignant : s’assure seulement que le thème choisi est précis et s’ancre dans le territoire de Florac. Avec un groupe un peu « flottant », peut s’assurer que la démarche d’investigation sera productive.

4) La restitution : une vue d’ensemble sur les enquêtes

Déroulement :

Matinée : destinée au traitement de leurs données (en soulignant les éléments essentiels et significatifs de leur investigation) et à la préparation de leur restitution devant être au plus possible animée, interactive et variée dans les modalités de restitution (diaporama, théâtre, exposition, scénette, conception de jeux etc.), avec la possibilité d’utiliser du matériel fourni par l’Institut.

Après-midi : destinée aux restitutions, limitées à 10 min de présentation et 10 min d’échanges avec le reste du groupe. Chaque groupe passe les uns après les autres.

Posture de l’enseignant : organise l’ordre de passage, répond aux questionnements éventuels, veille au respect du temps de passage, et préserve l’autonomie des groupes. Il peut invalider des propos jugés faux ou compléter des informations approximatives, mais sans prendre le pouvoir sur le propos du groupe effectuant sa restitution (l’objectif n’est pas d’évaluer le résultat).

5) L’analyse de la méthode : une prise de recul

  • Objectif : favoriser l’appropriation de la méthode afin qu’ils puissent la ré-exploiter en tant que méthode pédagogique pour travailler avec tout type de public, dans le cadre d’actions d’éducation à l’environnement.

Déroulement : moment de débriefing pour préciser le changement de posture de l’enseignant, préciser les situations d’apprentissage, analyser le déroulé de la méthode et ses effets…

Étapes supplémentaires envisageables :

revenir sur les représentations des individus une fois l’exploration des thèmes ressortis,

– travail d’évaluation à propos : du travail interne au groupe, de la participation individuelle et/ou collective, des contenus acquis…

une reconduite de la méthode : basée sur un principe exploratoire, cette méthode peut être reconduite lors de la phase de rebond, soit pour approfondir un sujet, soit travailler de nouveaux thèmes issus de la première session.

Nombre d’étudiants : petit groupe < 20

Production(s) pédagogique(s) : Absente

OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES

– Favoriser leur imprégnation de ce nouveau territoire de travail,

– Impulser une dynamique de groupe, de travail collectif,

– Acquérir et s’approprier cette méthode de pédagogie de projet, et de diagnostic territorial.

RETOUR SUR VOTRE EXPÉRIENCE

Pour quelle(s) raison(s) procédez-vous ainsi ?

– Cette méthode est efficace pour obtenir une vision globale des « diagnostics » socio-territoriaux, partiels, mais très diversifiés du fait du libre choix des étudiants, et de leur sensibilité vis-à-vis du territoire.

– Elle permet une réelle liberté dans le choix des thématiques, et donne la possibilité aux étudiants soit de s’épanouir dans une thématique faisant sens à leurs yeux et à leur projet professionnel, soit de découvrir de nouvelles thématiques stimulant leur curiosité.

– Elle permet une approche empirique pluridisciplinaire de part les dimensions sociales, culturelles, écologiques, territoriales etc, qui organisent les « diagnostics ».

– C’est une méthode adaptée à une écoute globale (au sens systémique) du territoire.

– Cette méthode s’appuie vraiment sur la pédagogie de projet, dans le sens où se sont les étudiants qui font émerger et définissent leur(s) projet(s) en réponse à l’objectif de l’enseignant qui est de faire découvrir le territoire, à l’inverse, par exemple, d’un projet tuteuré qui répond à une commande professionnelle.

– Elle permet de responsabiliser rapidement les étudiants, de part l’autonomie et la confiance qui leur sont données. Cela permet d’asseoir le principe qu’ils sont acteurs de leur formation, et favorise leur responsabilisation vis-à-vis des apprentissages.

– Elle permet de véhiculer la culture de l’éducation à l’environnement : la participation, l’affirmation de la posture d’apprenant, le changement de posture professionnelle chez l’enseignant, l’animateur, le formateur, …

Quelle(s) difficulté(s) avez-vous du résoudre avant/pendant la mise en place de la situation ?

– L’organisation pratique soulève certaines difficultés : récupération immédiate de leur permis de conduire, de leur assurance, rédiger les ordres de missions…

– Le phase du « rebond » est délicate dans le sens où faire des choix, c’est aussi renoncer à des envies, ce qui est source de frustration. Il est donc important de signaler en amont aux étudiants qu’il y aura de la frustration à coup sûr.

Qu’est-ce qui, dans ce que vous avez mis en place, est satisfaisant ?

– La responsabilisation et l’autonomisation des étudiants.

– Sentir la joie des étudiants de ne pas être infantilisés.

– Chaque restitution offre une réelle ouverture des possibles et un appel à la curiosité.

Reste insatisfaisant ?

Rien.

ÉVALUATION PAR LES ÉTUDIANTS

Avez-vous demandé aux étudiants d’évaluer la situation  Si oui, de quelle(s) manière(s) ? 

À la fin de l’année, nous invitons les étudiants à évaluer qualitativement chacune des UE sous la forme d’un World Café.

Quels en sont les principaux enseignements ?

Points négatifs :

La frustration de pas avoir pu travailler sur le sujet que l’on désirait en premier lieu. Mais d’un certain point de vue, cette frustration est le reflet d’une réelle curiosité et d’une envie d’approfondir le sujet plus tard, et c’est plutôt positif.

Points positifs :

L’évaluation est majoritairement très satisfaisante au niveau de la méthode, et de l’objectif de découverte du territoire :
– Ils soulignent la prise de responsabilités que permet cette méthode, et valorisent la confiance qui leur est attribuée,

– Sont étonnés d’avoir autant de liberté à l’entrée de la formation.

POUR ÉCHANGER

Sur quel(s) point(s), questionnement(s) aimeriez-vous interpellez vos collègues ?

Est-ce que vous avez déjà dialogué avec les étudiants pour leur demander des idées pédagogiques ? Comment ils verraient les cours, comment ils feraient ? S’il y a des outils, méthodes, des bonnes expériences, qu’ils ont vécu dans d’autres enseignements ?

Nom : David KUMURDJIAN, coordinateur de la formation LP CEEDDR

Discipline(s) enseignée(s) : Pédagogie, Education à l’environnement

Dans quelle(s) formation(s) ? LP CEEDDR