Développement de l’apprentissage et de la pédagogie de l’alternance pour une évaluation globale

Résumé :

La question de l’évaluation des compétences et des connaissances acquises par les alternants et apprentis s’articule autour de la mise en place de plusieurs outils, développés dans cet article. Outre la clarification et la valorisation des compétences acquises permis par ces outils, un enjeu sous-jacent est mis en lumière : le respect du contrat pédagogique entre les différents acteurs.

DESCRIPTION DE LA SITUATION

Déroulement :

Le suivi en alternance, ou en apprentissage, nécessite une totale adaptation de l’accompagnement pédagogique, alors bien différent que celui effectué en formation initiale. Cette adaptation a également une répercussion logique sur les modalités d’évaluation, à la fois des connaissances acquises en site de formation, et également des savoir-faire et savoir-être développés en entreprise.

La question de l’évaluation des compétences et des connaissances acquises par les alternants et apprentis, est un chantier qui concerne notamment les LP Viti et Agri, toutes deux labellisées par la Région en 2016 et 2017. Les apprentis, majoritairement présents, sont en partie encadrés par le CFA (Centre de Formation des Apprentis), contrairement aux alternants en contrat de professionnalisation. Ce CFA demande par ailleurs que les acteurs pédagogiques de l’Institut concernés réalisent une évaluation plus adaptée à la situation. Celle-ci se rapproche d’une forme de tutorat, et vient compléter les modalités d’évaluation traditionnelles d’un étudiant en formation initiale. Voici son déroulement :

Visite de l’installation avec le maître d’apprentissage de l’étudiant en question (dans les deux mois qui suivent la signature du contrat) : s’assurer que l’étudiant est bien inséré dans l’entreprise (local adapté, matériel nécessaire mis à disposition, relation sereine avec les collègues, souci pédagogique éprouvé par le maître d’apprentissage, considération du salarié au travers de sa formation, et de son parcours d’apprentissage…).

Entretien à la fin de chaque trimestre avec l’apprenti : s’assurer que tout va bien, que les missions attribuées sont correctement effectuées, si l’alternance immersion école/entreprise est bien vécue…

Renseignement régulier du Carnet de Liaison Électronique par le maître d’apprentissage : outil d’évaluation mis à disposition par le CFA, qui vise à favoriser le dialogue virtuel entre le tuteur école et le maître d’apprentissage. Cela permet d’une part de sensibiliser le maître d’apprentissage à propos de ses fonctions pédagogiques, et d’autre part de s’assurer que chacune des parties remplit ses fonctions en termes d’évaluation et de tutorat. Il permet également de rendre compte des compétences et connaissances acquises et/ou mobilisées par l’apprenti.

2 ème visite dans l’entreprise par le tuteur école (dans les 6 mois qui suivent le début du contrat) : permet de faire un bilan avec l’apprenti, et l’entreprise, et permet de réguler les difficultés rencontrées, apparues dans le cadre du renseignement du Carnet de Liaison Électronique, et/ou lors des bilans trimestriels avec l’apprenti.

Rédaction d’un mémoire de fin d’étude, et soutenance (début septembre) : s’ancrent dans une démarche d’initiation à la recherche universitaire dans le but d’attester les capacités d’expertise de l’apprenti sur une situation donnée. Présenté en fin de parcours, le sujet d’étude est défini avec l’entreprise et le tuteur école. Il traite d’une thématique précise vécue en entreprise en lien avec un contenu disciplinaire et d’enseignement dispensés dans la formation. Celle-ci est validée par les responsables des licences Vitii (Serge Kreiter) et Agri (Marie-Stéphane Tixier) au travers d’une note de cadrage élaborée par l’étudiant et proposée en début décembre n-1. Les responsables de formation apprécient alors la qualité de cette note, et la cohérence de la thématique avec le contenu de la formation.

À travers ces modalités, un contrat pédagogique doit, effectivement et concrètement, se nouer entre l’entreprise, via le maître d’apprentissage, et le tuteur école. À noter que certaines conditions inscrites au code du travail et rappelées par le CFA lors de la négociation du contrat, sont à remplir par un professionnel pour devenir maître d’apprentissage. Ce partenariat a pour but d’assurer la progression, à la fois pédagogique et professionnelle, de l’apprenti dans son parcours d’acquisition de compétences et de connaissances. Ainsi, l’appréhension et l’évaluation de ces savoirs, savoir-faire, et savoir-être acquis à l’échelle de l’entreprise, revient au maître d’apprentissage. Ces modalités appuient donc un suivi bien plus individualisé, et une évaluation des compétences et des connaissances bien plus conséquente qu’une évaluation traditionnelle. Cette double entrée de formation en entreprise – à l’école est alors vécue comme une innovation, au sens où cette nouvelle relation pédagogique liant l’entreprise et l’école fait évoluer le contenu du diplôme, et son statut.

Modalité(s) mise(s) en place : Évaluation individuelle

Dans quel cadre : formation en alternance, en apprentissage

Nature de l’évaluation : Certificative

Nombre d’étudiants : Groupe moyen 20 < 40 étudiants

LES OUTILS D’ÉVALUATION

Utilisation des outils numériques : Carnet de Liaison Électronique (CFA CLÉ)

Utilisation des grilles d’évaluation : Oui, en composantes du CFA CLÉ, et une autre grille pour évaluer la soutenance (prestation orale et contenu).

Pour quel(s) usage(s) : Évaluation individuelle

Composition de l’outil d’évaluation :

CFA CLÉ : est composé de plusieurs grilles d’évaluation, que le maître d’apprentissage doit renseigner à échéances périodiques. Ces grilles sont relatives à la progression de l’apprenti selon deux champs : les modalités du savoir-être (ponctualité, qualité relationnelle avec le personnel…), et le champ du savoir-faire au travers la réalisation des missions affectées et l’acquisition de compétences en lien avec les pratiques de l’entreprise. Le rôle du tuteur école est alors de valider les documents et de s’assurer que l’évaluation est faite.

Fiche d’appréciation finale : par le maître d’apprentissage, en y annotant des appréciations qualitatives et émet un avis de très favorable à très insatisfaisant en fonction d’un certain nombre d’items. Cette fiche rend compte du parcours du jeune dans l’entreprise au travers des connaissances, des compétences (savoir-être, savoir-faire) acquises et/ou mobilisées. Elle se conclue par un avis général considérés dans l’évaluation finale du travail proposé par l’étudiant.

Des propositions d’amélioration :

Un chantier de spécialisation en chantier : ces grilles sont assez standardisées, et peu adaptées à l’évaluation des alternants/apprentis évoluant dans une entreprise agricole, ou viticole. Le projet serait donc d’orienter les missions, activités et compétences vers une typologie agricole et viticole.

Ce qui serait souhaitable, serait d’inclure les entreprises dans l’amélioration de ces outils d’évaluation, en tenant compte de l’accord des responsables pédagogiques et du CFA. D’autre part, cela permettrait de renforcer l’implication pédagogique des entreprises.

Une réflexion sur la valorisation de l’évaluation par les maîtres d’apprentissage : Il s’agirait de mieux associer le maître d’apprentissage à la soutenance quand celui-ci est disponible. L’idée serait d’assurer une meilleure pondération de la fiche d’appréciation finale pour améliorer la participation du maître d’apprentissage à l’évaluation de l’apprenant. Il pourrait ainsi il y avoir une note concernant la valeur du mémoire et la qualité de la soutenance qui pourrait être complétée, ou pondérée, par une note formulée par le maître d’apprentissage à propos du parcours en entreprise effectué par l’apprenti.

Outil d’évaluation : En tant qu’UFA (Unité de Formation d’Apprentis), l’institut a accès aux modèles de fiches proposées par le CFA, tout comme le CFA ENSUP LR, client-utilisateur de l’outil. La grille d’évaluation évoquée a été personnalisé par François Gautier-Pelissier et Fabien Prévot (responsable de l’alternance) pour les apprentis de LP PAIEE et PVIEE.

RETOUR SUR VOTRE EXPÉRIENCE

Pour quelle(s) raison(s) procédez-vous ainsi ? 

– Améliorer le rayonnement de l’Institut à l’égard du vivier potentiel des alternants/apprentis qui souhaitent intégrer la formation, mais aussi à l’égard des offres d’apprentissage que peuvent faire les entreprises.

– La voie de l’alternance / apprentissage est un moyen de facilitation d’accès à l’emploi, ou de poursuite d’études supérieures tout en restant dans cette voie.

Quelle(s) difficulté(s) avez-vous du résoudre avant la mise en place de la situation ? 

– Le binôme pédagogique constitué du maître d’apprentissage et de l’enseignant tuteur ne fonctionne pas toujours de la même manière, au regard de l’hétérogénéité des maîtres

d’apprentissage ayant plus ou moins ce souci pédagogique, mais aussi de la disponibilités des E-C de l’École.

– Faire valoir la sensibilité pédagogique auprès des référents de contrat de professionnalisation et plus difficile que pour le maître d’apprentissage, car le bornage institutionnel n’est pas présent dans le code du travail, et qu’aucune institution, comme le CFA, ne met en place des outils pour faciliter le dialogue pédagogique, ou faciliter l’évaluation des compétences et connaissances.

– L’utilisation des outils numériques n’est pas forcément une pratique habituelle pour les maître d’apprentissage.

Solution expérimentée lors de la rentrée 2017 : rendre ce partenariat pédagogique plus explicite.

– Matinée autour de la pédagogie de l’alternance, réunissant les enseignants tuteurs, un plus grand nombre de maîtres d’apprentissage, ainsi que le CFA. L’objet de cette réunion était d’ouvrir le dialogue à propos de la pédagogie de l’alternance, des attentes de suivi et d’accompagnement à la fois de l’école, mais aussi de l’apprentissage. Des échanges, et idées sont ainsi nées de ces échanges, ce qui permet de créer une culture commune, de faire du lien entre les acteurs et les parties prenantes, afin d’étoffer cette relation partenariale et favoriser l’implication des maîtres d’apprentissage dans l’accompagnement pédagogique.

Difficultés rencontrées : un choix de date à faire peu évident au regard de l’identité des maîtres de stage connues tardivement et de la volonté de l’équipe pédagogique à organiser cette réunion le plus tôt possible.

Qu’est-ce qui dans ce que vous avez mis en place est satisfaisant ? 

– Action de médiation possible, éventuellement faite par les chargé(e)s de mission du CFA, pour réguler la relation tripartite (apprentis, entreprise et école), enclenchée lorsque le tuteur école alerte l’entreprise des difficultés éprouvées par l’étudiant dans l’accomplissement de ses missions. Des propositions de médiation sont alors faites à l’entreprise pour tendre vers l’évolution de positionnement de l’entreprise.

– L’ensemble des moyens décrits permettent de signaler toutes difficultés, que cela soit celles ressenties par l’apprenti/l’alternant, ou par l’entreprise (ex : manque de matière pour la rédaction du mémoire de fin d’étude, etc).

– Possibilité que l’apprenti, ou l’alternant, rompe le contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, lorsque que les difficultés rencontrées sont trop grandes.

– Environnement institutionnel plus consistant en contrat d’apprentissage qu’en contrat de professionnalisation du fait de l’activité du CFA, et des dispositions du code du travail qui définissent les conditions d’un contrat d’apprentissage, ce qui permet de souligner l’importance de la pédagogie dans cet accompagnement en entreprise.

– Le taux de réussite, et le taux d’insertion d’accès à l’emploi est très satisfaisant.

– Les alternants et apprentis développent une certaine maturité à l’égard du rapport à l’emploi.

Reste insatisfaisant ? 

– Nécessité de resserrer les liens entre l’Institut et l’entreprise pour donner davantage de consistance à ce partenariat.

– Une forme de décrochage, voire de souffrance relationnelle, vécue par certains jeunes au regard de la dimension pédagogique peu portée par certaines entreprises.

– Des difficultés répercutées sur la rédaction du mémoire de fin d’étude.

– Un renseignement des outils d’évaluation numériques peu satisfaisant quand celui-ci n’est pas porté par un souci ou engagement réel dans l’évolution de l’apprenti/alternant dans la structure.

– Une expérience parfois peu constructive pour ces jeunes, qui quand bien-même ils ont vécu l’expérience de l’insertion dans une entreprise, celle-ci est dépourvue de toute cette dimension pédagogique.

ÉVALUATION PAR LES ÉTUDIANTS

Avez-vous demandé aux étudiants d’évaluer la situation ? Si oui, de quelle(s) manière(s) ? 

Cela se fait lors des bilans intermédiaires, et finaux.

Quels en sont les principaux enseignements ?

Points négatifs :

– Un manque d’investissement pédagogique de la part des maîtres d’apprentissage, et une frustration ressentie vis-à-vis du manque de consistance, soit du manque d’enrichissement professionnel des apprenti(e)s, quand les rapports avec l’entreprise ne sont pas concluants.

– Un manque d’articulation entre les cours théoriques et l’accomplissement des missions vécues en entreprise. Mais cette critique est beaucoup moins visible lors de l’évaluation n+3.

Points positifs :

– De nombreux jeunes reçoivent une proposition d’emploi de la part de leur structure d’apprentissage, et reportent à plus tard leur projet de formation.

– Globalement satisfaits des enseignements reçus à l’Institut.

POUR ÉCHANGER

Sur quel(s) point(s), questionnement(s) aimeriez vous interpellez vos collègues ?

Au vue de l’aspect chronophage du suivi des personnes en apprentissage, d’une part, mais aussi des spécificités du déroulement de la formation en alternance, comment les enseignants chercheurs vont pouvoir se mobiliser pour accompagner ce nouveau public ?

Nom : François Gautier-Pelissier, ingénieur de recherche et chargé de formation, associé à Fabien Prévot, responsable de l’alternance.

Dans quelle(s) formation(s) ? Développement de l’apprentissage en LP PVIEE et LP PAIEE.